Le Chalet : le thriller made in France qui avait pourtant bien commencé…
Le 26 mars 2018, France 2 lançait sa toute nouvelle série : Le Chalet. Si l’intitulé – des plus banals – ne donnait pas d’indices particuliers sur l’intrigue de ce programme ; il ne fallait point compter non plus sur la promotion – plus que succincte – réalisée par la chaîne.
Loin d’être anodine, cette stratégie de communication reposant sur l’absence d’un teaser en bonne et due forme ; s’est avérée non seulement attractive mais surtout payante !
Créée par Camille Bordes-Resnais et Alexis Lecaye, Le Chalet attire dès le premier épisode près de 3,28 millions de téléspectateurs soit 12,8% de part de marché ; en se positionnant ainsi juste derrière le lancement de la huitième saison de Clem sur TF1.
Le générique – minimaliste et aux faux airs amateuristes – choisit de mettre en lumière la grande vedette de son intrigue : le sang. En effet, on suit lentement l’écoulement pourpre dévorant les parcelles mousseuses d’une maquette ; représentant le hameau montagnard de Valmoline dans lequel le scénario se déploie par la suite.
La bande originale – au goût de “déjà vu” – surfe clairement sur une tendance dont les séries françaises usent à outrance : la comptine. Ce ressort est notamment utilisé par des fictions comme La Mante (TF1), Souviens-toi (M6), ou encore par le sadique Negan dans The Walking Dead (AMC). Les voix fluettes et les sonorités enfantines semblent séduire les créateurs de contenus audiovisuels, mêlant ainsi l’innocence dans la forme et le morbide dans le fond.
“Comptez jusqu’à 3 Messieurs Mesdames
Et l’un de vous disparaîtra, jamais on le reverra
Entrez dans la ronde, méfiez vous du monde
Cachez vous vite avant qu’il n’attaque … 1, 2, 3
N’attaque … 1, 2, 3
Comptez jusqu’à 3 Messieurs mesdames. 1, 2 …”
De nombreux téléspectateurs ont d’ailleurs noté le caractère évolutif du générique, au fil de la diffusion des épisodes. À partir du cinquième épisode, le flot d’hémoglobines déferlant sur la maquette s’épaissit, et se transforme en véritable torrent renversant sur son passage les santons peuplant le village. Les paroles de la comptine macabre subissent elles aussi quelques modifications.
“Entrez dans la ronde, méfiez vous du monde
Cachez-vous vite avant le massacre … 1 , 2 , 3”
Le synopsis est relativement simple : Eté 2017, à Valmoline, hameau comptant six ames. Treize invités – anciennes connaissances d’enfance – débarquent dans ce décor calme du fin fond des Hautes-Alpes, pour y sceller leurs retrouvailles. A peine ont-ils passé le pont donnant accès au lieu-dit , qu’un énorme rocher s’effondre et obstrue le passage, écrasant un homme ligoté en contrebas. Les voilà tous isolés…et c’est ainsi que le massacre peut commencer…
Tout était prometteur. Le lieu, havre de paix perdu au coeur des montagnes. L’intrigue, reposant sur un drame vieux de vingt ans. De jeunes acteurs – pour la plupart méconnus – plein de talents. Bref ! Tous les éléments étaient là pour faire de Le Chalet, un thriller entraînant et bien ficelé. Malheureusement, l’enthousiasme est de courte durée…
Retour sur les raisons qui – selon la rédaction – ont entraîné cette série à suspense au fond du gouffre rocheux, depuis lequel son immense bâtisse en bois culmine.
Un drame aux origines…peu convaincantes…
La famille Rodier, fraîchement installée dans la cossue demeure qu’est Le Chalet, disparaît mystérieusement une nuit de 1997. Parents et enfants (fille et garçon) se sont volatilisés sans dire mots et sans laisser de traces. Que leur est-il donc arriver ? Ont-ils fui une situation délicate, gênante ? Ont-ils décidé de disparaître volontairement, afin d’échapper à des problématiques pesantes, étouffantes ? Sont-ils morts ? Accidentellement ou assassinés ? Toutes ces questions viennent perturber et alimenter les commérages du paisible lieu-dit, peu habitué à ce genre d’événements. Entre inquiétude et délectation, une enquête de petite envergure est ouverte ; afin de retrouver la famille.
Une temporalité complexe…
Le scénario ne se déploie pas dans une, ni dans deux, mais dans TROIS temporalités différentes : 1997, 2017, 2018.
La première relate l’enfance de nos protagonistes, en dévoilant notamment les histoires familiales et amicales qui les unissent. C’est ainsi que l’on découvre d’ailleurs la part très sombre de certains d’entre eux. La seconde est l’axe temporel majeur de la série, puisqu’elle correspond au break de notre groupe d’amis à Valmoline. C’est ici qu’a lieu le massacre. La dernière ne met en scène que deux personnages : une psycho-criminologue et Sébastien Genesta, membre turbulent de notre fine équipe isolée en montagne ; accusé des meurtres ayant eu lieu au cours de son séjour l’année passée.
Il n’est déjà pas toujours aisé de prendre ses repères dans un récit effectuant des passages du présent au passé et inversement, mais alors là…cela relève un peu de l’exploit, si vous parvenez à saisir dès les premiers épisodes la subtilité des sauts temporels – et cela malgré la présence de marquages visuels à l’écran.
La rapidité de ceux-ci ainsi que leurs courtes durées, amplifient probablement l’impression de confusion et l’effet “brouillon” de la narration. Une fois que le système est assimilé, les sauts temporels nous paraissent plus fluides, plus clairs ; et freinent de ce fait beaucoup moins la réception du récit.
Une profusion de personnages sans intérêt…
Six habitants, treize invités : tous ayant une histoire ainsi qu’une présence particulières à l’écran, c’est le challenge que se proposait de relever Le Chalet.
On peut saluer cette volonté de mettre en scène autant de rôles principaux, en offrant aux téléspectateurs une multitude d’arcs narratifs devant lesquels se régaler. Mais, il s’agit aussi d’un parti pris sacrément risqué.
Beaucoup trop de prénoms à retenir, des liens qui unissent nos personnages sans que l’on ne saisisse réellement la nature de ceux-ci…c’est malheureusement le triste constat que l’on effectue rapidement.
Ce sentiment de gâchis est accentué par les disparitions successives et abruptes de chacun d’entre eux. Pourquoi se compliquer la tâche, en ayant un casting aussi étoffé, si c’est pour le décimer dès les trois premiers épisodes ? La question se pose.
Des morts en pagaille…
A peine avez-vous eu le temps de mémoriser l’intégralité des personnages principaux, que l’histoire se charge cruellement de leur sort…
On assiste à une succession d’assassinats au sein de notre petit groupe de joyeux lurons, transformant le charmant weekend champêtre en une véritable boucherie, l’exposition d’hémoglobines en moins.
Le pire reste quand même les méthodes d’exécution, dont la crédibilité pour la majeure partie d’entre elles, laisse à désirer. On n’y croit pas. On n’y croit plus. On sent les coups fourrés arriver à des kilomètres. On se lasse. On décroche. Dommage.
Au fil des épisodes, on découvre les travers et petits secrets des Rodier…notamment ceux d’un père loin d’être irréprochable.
Le cinquième épisode nous laisse entrevoir le destin tragique de cette famille martyre, victime de la jalousie et de la luxure humaines. Ici réside le point qui – personnellement – me semble le plus intéressant. En effet, leur disparition dramatique fait écho à un terrible fait divers ayant marqué notre société en 2003 : l’affaire Flactif, aussi appelée la tuerie du Grand-Bornand. Souvenez-vous, Xavier Flactif – grand promoteur immobilier – disparaissait subitement en Haute Savoie le 11 avril 2003, avec son épouse Graziella et leurs trois enfants.
Dans un premier temps, la famille est soupçonnée d’avoir hissé les voiles à cause de pseudos malversations pratiquées par la figure paternelle. Très vite, des faisceaux d’indices pointent du doigt David Hotyat – locataire d’un chalet appartenant aux Flactif ; et sa compagne Alexandra Lefebvre – ancienne employée de maison de ceux-ci. Ce duo de bourreaux, accompagné d’un couple complice ont – par pure jalousie et envie – froidement exécuté parents comme enfants au sein de leur foyer, avant d’incinérer leurs corps dans les hauteurs de la région.
Dans la série, même si la finalité diffère, de nombreuses similitudes lient cette fiction à l’affreuse réalité mentionnée ci-dessus. Le mobile des meurtres dans Le Chalet est tout aussi ridicule et hallucinant que pour l’affaire criminelle du Grand-Bornand. Si l’Homme se laisse malheureusement facilement emporter par la bêtise et le vice, à des fins funestes ; on aurait pu attendre plus de créativité et de solidité dans le cadre d’un scénario. De ce fait, on ne peut contenir lors de l’ultime épisode cette phrase qui en dit long : “Tout ça, pour ça…”, signe de déception.
En découvrant le(s) meurtrier(s), on n’est qu’à moitié surpris. “A moitié” seulement, puisque dès la mi-saison, on comprend et l’on sait qui ne peut-être que l’unique responsable de ce massacre organisé.
Il y a ces morts et ces survivants, que l’on oublie malheureusement rapidement. Puis il y a cette finalité…attendue…lente. Le spectateur est laissé dans une sorte de flou, il est sur sa faim. On attendait du concret, de l’explicite ; on ne l’aura pas. Chacun doit imaginer la suite.
Alors que retient-on finalement de la série Le Chalet, en dehors de l’énorme gâchis de sa réalisation ? Face à une Justice inefficace, l’Homme est voué à se la faire elle-même ? Et qu’en plus de cela, cette dernière condamne des innocents en invoquant la raison psychiatrique ou en pointant du doigt la violence viscérale d’un individu ? Je ne suis intimement pas convaincue par ces messages qui semblent être sous-entendus ici. Ils me semblent trop radicaux et simplistes. Que la haine et la vengeance sont salvatrices et libératrices ? Là aussi, permettez-moi d’en douter fermement.
Le scepticisme nous gagne. C’est un peu sans mots, que l’on ne peut faire que cet amer constat : “Dommage, ce thriller made in France avait pourtant si bien commencé…”.
NOTA BENE : La série est désormais disponible sur Netflix.
Fille cachée de Piper Halliwell, il m’arrive de regretter de ne pas avoir hérité de son premier don, pour assouvir mes addictions, qui se résument en quelques mots : le binge watching sur Netflix et autres plateformes de perdition sérielles, dévorer les derniers Hoover/Martin Lugand/Ledig, rattraper mon retard monstrueux dans la Bollywoodsphere et enfin écrire !
Dans mes textes vous retrouverez : un brin d’humour, un zeste de passion et beaucoup de curiosité ! Et mais, ne frôlerait-on pas un huitième du génie d’Astier ? (Okay. Un centième ?).