Humans

Être professeure des écoles en élémentaire

En cette période de confinement inédite, rendons hommage aux professeurs qui prennent soin de l’éducation et de l’apprentissage des enfants.

Aujourd’hui, nous avons l’immense joie d’accueillir Mylène V., professeure des écoles en élémentaire, jeune dans sa carrière mais hyper motivée !


Propos recueillis le 17 mars 2020

Quel est ton poste exact ?

Je suis en poste fixe, et j’enseigne le niveau CM1.

Quelles ont été tes études ?

J’ai eu un bac Littéraire, option Allemand renforcé. Ensuite j’ai obtenu une licence LLCE (Langues, Littératures et Civilisations Étrangères) que j’ai faite à moitié en France, à moitié en Allemagne. Puis j’ai fait mon Master MEEF (Métiers de l’Enseignement, de l’Éducation et de la Formation) Premier Degré. 

Quand as-tu commencé à travailler ?

J’ai fait ma première rentrée en 2017.

Qu’est ce qui t’a donné envie de devenir professeure des écoles ? 

Au début je voulais être professeure de français en Allemagne.
Pendant ma licence, j’ai vécu là-bas et c’était formidable. J’ai rencontré une professeure de français (française) qui habitait là-bas, donc quelqu’un qui faisait exactement ce que je me voyais faire dans le futur. Elle m’a dit que c’était super et qu’elle était très heureuse, mais que ses enfants qui avaient une vingtaine d’années se considéraient comme allemands et pas comme français. Ça m’a fait un tilt, car je me suis rendue compte que je ne voulais pas ça pour moi. Je me suis finalement dit que ce choix de carrière n’était peut-être pas le bon et que je préférais rester en France.

À la fin de ma licence je devais finir par un stage en entreprise ; en l’occurence, j’ai choisi un stage dans l’école primaire à côté de chez moi. Et là, ça a été le déclic. Ce dernier m’a immergée dans une classe de CM1/CM2, avec une institutrice vraiment géniale. À son contact, je me suis dit : « C’est vraiment ça que je veux faire ! » 

© Hannah Alkadi, Pixabay

Pour toi quel est le rôle des professeurs des écoles ?

Pour moi, c’est de donner le goût de la connaissance, de faire réfléchir, de guider dans les apprentissages, et bien sûr de transmettre le savoir. Des choses scolaires mais pas que, des savoir-faire et des savoir-être aussi. 

Dans la réalité, ce métier c’est endossé plusieurs casquettes : celle de psychologue autant pour les enfants que pour les parents, celle d’infirmière pour soigner les petits bobos, assistante sociale, un peu humoriste, beaucoup comédienne et surtout un brin maman parfois pour ceux qui ont besoin de réconfort.

Quels sont les buts pédagogiques de fin d’année pour ta classe ?

 Alors déjà, ce n’est pas de suivre le programme dans son intégralité, car ce n’est pas possible *rires*. Évidemment aller le plus loin possible, notamment en français et en mathématiques, pour qu’ils arrivent avec un bon niveau en CM2. 

Pour moi, ça dépend beaucoup de la classe et des élèves parce que je ne peux pas les faire arriver tous au même but. Il y a des enfants qui arrivent avec d’énormes difficultés. Par exemple, en ce moment, j’ai un enfant qui ne savait pas lire en début d’année, et qui sait lire maintenant, c’est super génial ! Mais forcément, je ne vais pas avoir le même objectif pour lui que pour un enfant qui arrive avec un très bon niveau et qui progresse bien. 

Mais en gros, j’essaie qu’ils arrivent tous à assimiler les bonnes bases de français et de mathématiques. Et puis je sais que je suis en CM1, donc en début de cycle (CM : Cours Moyen), en CM2 tout sera re-brassé. Donc j’ai moins de pression là-dessus. 

Pour toi quelle est la qualité requise pour être professeur des écoles ?

Une seule ? *rires* La patience, je pense que c’est assez nécessaire quand même. L’enthousiasme mais aussi le fait d’avoir envie de travailler et de donner beaucoup pour les enfants

Tu donnes plus que ce que t’imaginais lorsque tu faisais tes études ?

Oui ! Bon en fait, je me dis que c’est parce que je suis en début de carrière. J’y passe tout mon temps libre, mais parce que j’aime ça aussi hein ! Je pourrais en faire beaucoup moins. Mais je choisis d’en faire beaucoup, de leur donner pleins de projets pour qu’ils soient motivés. C’est un choix. Car je suis passionnée par mon métier.

Pendant le confinement, comment fais-tu classe à tes élèves ?

Tous les matins, je leur envoie des activités à faire, qu’ils me renvoient tout au long de la journée. J’ai aussi été réquisitionnée la semaine prochaine pour garder les enfants des soignants, donc je vais devoir combiner les deux. 

Qu’est ce que tu préfères dans ton métier ?

Les réactions de mes élèves. Voir leurs sourires quand ils comprennent quelque chose…Ce genre de petits détails. 

J’ai la chance d’avoir une classe très motivée, très enthousiaste à l’idée de travailler. Même là, en ce moment avec le confinement, ils m’envoient plein de messages pour me dire “Pouvez-vous me donner plus de travail ?”, donc ils sont vraiment à fond ! Et c’est vraiment pour ça ! Je ne suis pas là pour les embêter, ils me suivent vraiment et ils ont envie de réussir, et ça, ça me plaît !

Qu’est ce que tu n’aimes pas dans ton métier ?

Je n’aime pas tout ce qui est administratif. Dans mon école, on est particulièrement exposé à ça. Par exemple, à la rentrée on a beaucoup de documents à donner aux élèves et à récupérer, il faut faire des tas de listes pour savoir qui va à la cantine, qui va à l’étude, qui a des allergies, ce genre de choses. Et il faut mettre tout ça dans plein de dossiers différents. J’y perds un temps fou. Ce n’est pas pédagogique, ce n’est pas ce que j’attends du métier. 

Faire l’appel tous les jours, relever les numéros des parents, vérifier régulièrement que les numéros n’ont pas changé, etc. Il y a plein de choses qui prennent un temps fou pour pas grand chose en fait, et qui font perdre du temps sur la pédagogie.

© Rahman Rony, Pixabay

Qu’est ce qui t’énerve dans l’Éducation Nationale aujourd’hui ?

La non reconnaissance. C’est-à-dire le fait de nous prendre pour des c*** tout le temps, à commencer par en ce moment ! Par le Ministre de l’Education qui annonce “Non, les écoles ne seront jamais fermées” et deux heures après le Président qui annonce le contraire.

La non reconnaissance aussi de la part de la société. Même si je peux le comprendre, parce qu’il y a vraiment des profs qui sont feignants, qui ne foutent rien. Je peux donc comprendre que ça énerve. Et moi la première ! Mais pas tous. 

Et c’est toujours très énervant d’entendre : “De toute façon vous êtes toujours en vacances, vous ne faites rien, à 16h30 vous êtes libres”. Bah non en fait ! Je reste à l’école jusqu’à 18h parce que j’ai des choses à faire dans ma classe. Et ça, les gens ne le voient pas. Ou quand les parents me demandent un rendez-vous à 19h30… J’ai une vie aussi donc je dis non et ils me répondent “Mais vous ne faites rien”. Ce n’est pas le cas !

Et le salaire, forcément, c’est moyen *rires*. Il y a quelque temps, le Ministre de l’Education a annoncé qu’on serait augmenté mais il n’a pas précisé que ce sera 300€ bruts par an, ce qui donne 20€ bruts par mois, alors que toute la société a compris que c’était 300€ nets par mois. La communication n’est pas terrible.

Durant l’année scolaire, quelle est l’activité que tu préfères faire avec les enfants ?

J’aime beaucoup le mois de juin. La période est longue mais ça nous oblige, nous les professeurs, à trouver des activités un peu plus ludiques, qui restent pédagogiques, qui restent dans l’apprentissage et les révisions. L’année dernière, par exemple, on a fait des Olympiades en fin d’année, où on retraçait toutes les matières. Ils étaient par équipes, et vraiment ils étaient à fond ! Ça c’était top !

Du côté disciplinaire, j’aime beaucoup enseigner le français. Et l’Histoire, car j’ai trouvé une bonne méthode pour enseigner cette matière. Donc c’est sympa. 

Un petit mot pour les parents ou futurs parents ?

De nous faire confiance tout en sachant qu’on n’est pas les parents. Donc ce n’est pas à nous d’apprendre aux enfants la politesse, le bonjour, le merci, ce genre de choses. Ce n’est pas à nous de le faire.

Et on n’est pas la police non plus. Alors oui, on est là pour gérer les petits conflits, les bagarres en cour de récréation ponctuellement, mais on n’est pas la police. 


Merci Mylène d’avoir répondu à mes questions ! Le prochain témoignage arrivera prochainement !

Si vous êtes professeur/e des écoles en maternelle ou élémentaire et que vous souhaitez témoigner, n’hésitez pas à nous contacter !

3 commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *