Reconversion, Marché du travail : une réalité qui claque ! Partie 2
Il y a plusieurs mois, nous découvrions le parcours professionnel de David, qui avait courageusement repris ses études afin de trouver sa véritable voie.
Après une très longue attente, voici la suite de ses péripéties et quelques nouvelles de notre invité !
Jaïne&Co : Tu es désormais diplômé. Comment se passe la recherche d’emploi, dans ta nouvelle filière ?
David : Très mal ! Il faut dire que mon école n’a pas été d’une grande aide pour l’après-formation. En effet, on ne nous aiguille absolument pas sur la suite du processus malgré le fait qu’on connaît déjà le monde professionnel. Mais là, c’est différent étant donné qu’on ne cherche plus dans nos domaines d’avant-formation. De plus, l’école promettait des jobs dating avec énormément d’entreprises partenaires, toutefois la majorité des offres étaient pour de l’alternance ou des stages, en CDD ou CDI, une seule offre de Graphiste pour une entreprise basée à Chartres… Génial pour des personnes en reconversion qui sont basées essentiellement en Ile-de-France ! De même pour mon entreprise, avant que je débute ma formation, on m’avait dit qu’une création de poste de graphiste était en discussion. Je suis revenu vers mon entreprise 3 mois avant la fin de ma formation, pas de réponse et il était hors de question pour moi de revenir à mon poste de gestionnaire.
Psychologiquement, c’est très dur, car on sait que l’on part pour suivre la voie que l’on veut réellement faire, on y a goûté pendant des mois de formation, et il est hors de question de revenir dans un domaine qui ne nous plaît absolument pas/plus. La sécurité de l’emploi devient vite un cadeau empoisonné car au final on sait qu’on devra retourner dans notre ancien poste si on ne trouve rien. Je me suis donc mis en arrêt maladie pour pouvoir trouver un poste de graphiste. J’ai eu un appel avec ma RH pendant mon arrêt pour m’informer que le poste de graphiste ne pouvait se faire (Sans blague ? Je ne l’avais pas deviné après m’être fait ghoster de mes mails quelques mois auparavant) donc je leur ai demandé quelles étaient les options, sachant que je ne voulais absolument plus retourner à mon ancien poste de gestionnaire et quelles étaient les démarches pour une rupture conventionnelle. On m’a gentiment fait comprendre que les deux options étaient les suivantes : soit je revenais en tant que gestionnaire soit je démissionnais.
Après 3 mois de tergiversation, j’ai décidé de démissionner même si je n’avais aucune sécurité derrière car je ne pouvais plus être lié à une boîte qui ne peut rien me proposer de pertinent, lié à mon nouveau choix professionnel.
Mes recherches ont débuté à la fin de ma formation en juin 2023. À l’heure actuelle (fin novembre), j’ai envoyé plus de 400 candidatures que ce soit en réponse à une offre ou en candidature spontanée pour 13 entretiens seulement. La recherche est ultra chronophage, ma vie se résume à un épisode de Black Mirror, où tous les jours je regarde sur toutes les plateformes les dernières offres d’emploi. Je pense de jour en jour à me lancer complètement en free-lance mais il y a cette crainte de la paperasse, de démarcher, trouver de nouveaux clients. Je regarde également les plateformes pour se lancer en free mais même sur ce type de site, le marché est en tension. Je me fixe la fin de l’année pour me lancer pleinement vers ce chemin car si au final les entreprises ne sont pas capables d’offrir le poste que je souhaite avoir, autant le créer soit même !
Jaïne&Co : Qu’est-ce qui te “choque” aujourd’hui, au cours de tes différents entretiens ou dans les réponses d’employeurs ?
David : Beaucoup de choses me choque mais encore plus dans le milieu du graphisme. La première chose c’est le détail du poste. Beaucoup d’entreprises ne comprennent absolument pas le rôle de Graphiste et j’en ai vu des offres avec des missions liées à un Community manager, Chargé de communication, Webdesigner, Motion designer, Sound designer, Photographe. Donc, un poste de Graphiste où on doit faire le travail de 3 autres personnes pour un salaire d’une seule, c’est un gros « red flag ». C’est comme demander à une personne d’être électricien et plombier en même temps, ça n’a aucun sens. Certes ce sont des métiers qui se rejoignent, ou qui sont susceptibles de travailler ensemble pour un projet, mais ils sont complètement différents des uns et des autres.
Je cherche un poste en tant que Graphiste et non pas un poste où je serai l’unique employé de tout un service de Communication.
Ensuite, les offres où les entreprises font les fines bouches : 8 ans d’expérience, salaire au SMIC, nombreux avantages comme le remboursement de la mutuelle et la Navigo à 5O % alors qu’il s’agit d’obligations légales, c’est un non également. C’est le genre d’entreprises qui m’insupporte car cela touche aussi bien des groupes connus que des PME, et lorsque l’on voit que graphiquement ça relève du niveau affiche faite sous Word avec des règles typographiques de bases qui ne sont pas respectées, je me demande comment ces personnes peuvent se dire être Graphiste en 2023. Mais on les remarque vite sur les plateformes sur Indeed, LinkedIn, etc quand on voit qu’ils postent la même annonce tous les quatre matins. On sent un gros turn-over dans ce type de structures.
Au niveau des entretiens que j’ai eus, presque la moitié m’ont beaucoup choqué, c’est désormais pour cela que je poste mes avis sur Glassdoor car les entreprises ne peuvent pas supprimer les avis et il est important de montrer le vrai visage de ces entreprises.
Le premier exemple que j’ai, c’est un entretien que j’ai passé pour un poste de Graphiste en CDD pour une très grande Maison de champagne. L’entretien se déroule par téléphone par la stagiaire du service RH. Un peu étrange selon moi pour un recrutement. À la fin de l’échange, je demande quand est-ce que je vais avoir un retour et elle me répond « D’ici une semaine.« . La semaine passe, pas de retour. Je décide alors de la relancer sans succès. Après plus de deux semaines, je relance à nouveau mais cette fois-ci sur l’adresse générique de recrutement. Je reçois une réponse négative automatique d’une seule phrase sans profondeur. Lorsque je leur demande plus d’informations, on me répond que j’ai passé l’entretien avec la stagiaire et que celle-ci ne fait plus partie de l’entreprise. C’est un manque de respect total envers le candidat par rapport à l’image que renvoie l’entreprise. Un autre entretien pour un célèbre magasin d’ameublement qui prône l’inclusion et l’humain mais qui bizarrement fait passer des entretiens avec HireVue, une plateforme qui nous permet de répondre à des questions préenregistrées, seul, sans une personne physique avec qui échanger et qui dure tout de même plus d’une trentaine de minutes. Et cerise sur le gâteau, cette plateforme est gérée par l’intelligence artificielle donc l’échange est décrypté par une IA qui va dire si oui ou non votre candidature est favorable ou pas. Pour le côté humain on repassera, et puis il n’y a aucun moyen de contacter réellement la personne responsable du service ou tout simplement les ressources humaines. Quelques jours après avoir passé l’entretien, je reçois un mail m’indiquant que ma candidature ne peut être examinée car le poste est promue. Donc faire perdre du temps au candidat, ce n’est visiblement pas leur problème.
Il y a aussi une entreprise qui me contacte via Indeed par messagerie privée pour me dire que mon profil les intéressait mais qu’une épreuve de création devait être réalisée avant même de passer un quelconque entretien. Red flag également. Je n’ai pas donné suite.
De même pour une mairie, qui me fait passer un premier entretien et qui me dit « On vous enverra la date du second pour l’épreuve de création » puis silence radio malgré les relances par mail et par téléphone.
Mais la palme d’or revient à l’ entretien que j’ai passé pour une société de E-liquide. L’entretien le plus lunaire que j’ai eu dans ma vie professionnelle ! Le recruteur m’appelle sans me laisser de message. Je rappelle donc le numéro et la personne décroche en vapotant. Elle ne se présente pas et la première question est directe : « Quelles sont mes prétentions salariales ? ». Un peu trop direct à mon goût, mais pourquoi pas. On me propose donc un entretien avec une épreuve de création. Je demande à la personne de m’envoyer les informations par mail afin que je puisse avoir son nom et le lieu de l’entretien. Pas de mail, juste un sms avec l’adresse. Pas très professionnel pour le coup ! Lors de l’entretien physique (malgré la difficulté de trouver la personne vu qu’elle ne m’a pas donné son nom), l’échange se passe normalement quand vient la question des prétentions salariales. Trop basses selon moi mais passables si d’autres avantages sont au rendez-vous. Mais hélas non ! Pas de prise en charge des frais kilométriques, mal desservi en transports, pas de télétravail ne serait-ce qu’un jour, un petit espace repas mais rien à proximité pour se nourrir : il faut ramener son plat, ou commander donc très contraignant car les locaux sont perdus dans une zone industrielle. Je voulais juste arrêter l’entretien mais je me suis dit voyons quand même l’épreuve de création. Eh bien j’aurai dû m’arrêter là ! L’épreuve en soit est basique : créer le fichier à envoyer directement pour l’imprimeur d’une étiquette de E-Liquide. On me donne juste les fichiers des ressources à intégrer (logo, textes). Toutefois, j’ai dû demander les fonds perdus et le logo dans le dossier des ressources était en RVB et non en CMJN alors que le but final est un fichier qui part en impression. De plus, celui-ci ne fonctionnait pas graphiquement car illisible pour le format d’un petit flacon. Un peu la base du métier de graphiste quand même ! Pendant le test, le recruteur et la graphiste présents dans le bureau discutent et critiquent leurs collègues. Vraiment pas professionnel du tout comme attitude devant un candidat ! À la fin du test, je rends les livrables et le recruteur me dit qu’il me donnera une réponse dans la semaine, qu’elle soit positive ou négative. Bien évidemment, pas de retour de leur part mais je n’avais pas l’intention de les relancer ou d’accepter une offre si le retour était positif étant donné que l’image de l’entreprise ne m’a absolument pas plu.
La liste est encore longue mais le plus gros problème c’est que j’ai l’impression de voir le schéma se redessiner lorsque je postulais avant d’avoir mon diplôme à ce type de poste. On me sortait toujours l’excuse “ Vous avez un bon book mais vous avez pas de diplôme ”, maintenant que je suis diplômé c’est “ Vous avez un bon book mais pas assez d’expérience ”. Et c’est ce point qui m’énerve le plus car au final, l’expérience je l’ai depuis ma scolarité vu qu’on nous apprend à utiliser les logiciels, on a des projets similaires à ce que l’on peut avoir en agence de communication par exemple et j’ai un book qui le prouve. Je ne comprends pas le choix des entreprises et au final je me demande ce qu’ils veulent vraiment : l’expérience, le diplôme, la qualité ? Car on peut avoir 10 ans d’expérience dans le domaine et faire des supports graphiques dignes des années 2000 ou avoir un diplôme, avoir fait 2 ans d’alternance mais ne pas avoir un bon goût graphique ou ne pas savoir se comporter dans le monde professionnel. On en a eu des retours de nos professeurs qui ont embauché des alternants, avec lesquels cela s’est très mal passé : des étudiants en retard chaque jour, qui sèchent les cours (pour une école à 8 000 € l’année payée gracieusement par les parents), etc Donc quelle est la raison pour qu’une personne qui a fait une reconversion, qui connaît le monde professionnel, qui est motivée pour faire ce qu’elle aime, qui se débrouille graphiquement ne soit pas embauchée ? C’est la question que je me pose chaque jour.
J’ai eu la chance de voir David traverser toutes ces épreuves, ces questionnements et ces moments de doutes. Ce sont dans ces instants là que l’entourage est primordial, car c’est précisément dans cette phase de candidature(s) que les chercheurs d’emploi sont les plus vulnérables.
Pour l’avoir vécu il y a presque dix ans, je sais à quel point la confiance en soi chute drastiquement entretien après entretien, ou après les nombreux mails automatiques de refus – voire carrément l’absence de réponse.
Ne cessez jamais d’y croire, et ayez un entourage qui diffuse autour de vous un maximum d’ondes positives.
David s’est battu comme un lion, à multiplier les entretiens, les salons de l’emploi, les prises d’initiative originales pour finalement décrocher ce contrat tant attendu !
Parfois, il faut apprendre à faire des concessions. Même professionnellement, oui, oui. Accepter que tout ne sera pas parfait, mais que chaque expérience sera forcément bénéfique pour la suite de notre parcours.
Votre instinct vous parle dans ces moments-là et sait si vous êtes au bon endroit, alors écoutez-le !
Bravo à David pour sa persévérance, son audace et sa capacité d’innovation. On ne peut que lui souhaiter beaucoup d’épanouissement dans ses nouvelles fonctions.
Fille cachée de Piper Halliwell, il m’arrive de regretter de ne pas avoir hérité de son premier don, pour assouvir mes addictions, qui se résument en quelques mots : le binge watching sur Netflix et autres plateformes de perdition sérielles, dévorer les derniers Hoover/Martin Lugand/Ledig, rattraper mon retard monstrueux dans la Bollywoodsphere et enfin écrire !
Dans mes textes vous retrouverez : un brin d’humour, un zeste de passion et beaucoup de curiosité ! Et mais, ne frôlerait-on pas un huitième du génie d’Astier ? (Okay. Un centième ?).