Unorthodox : fuir pour gagner sa liberté
Adaptée de l’autobiographie éponyme de Déborah Feldman (2012), Unorthodox est une série allemande disponible depuis mars 2020 sur la plateforme Netflix.
Créée par Anna Winger et Alexa Karolinski, cette série conte la vie d’Esther Shapiro, une jeune femme de dix-neuf ans résidant à Brooklyn. De confession juive, elle ne supporte plus l’existence que lui impose sa communauté ultra-orthodoxe, ni le mariage arrangé dans lequel elle se retrouve piégée. Avec courage, elle quitte tout – direction l’Allemagne – où elle y découvrira l’émancipation et la liberté.
C’est sans compter sur un passé tenace, prêt à tout pour la ramener à la « maison »…
Dénonciation de la communauté hassidique
Personnellement, je ne connaissais pas ce pan de l’orthodoxie.
A priori, les communautés de ce genre – c’est à dire à caractère assez sectaire et extrémiste – sont minoritaires mais elles existent. Autant en Europe, qu’Outre Atlantique.
Ici, le groupe est régi par un rabbin. Toutes les décisions sont prises à travers lui, peu importe leur nature. Peu importe qui elles concernent.
Les femmes ne sont pas instruites et sont soumises entièrement aux hommes.
On les marie de force. On gomme leurs particularités de manière drastique, afin qu’elles ne ressemblent qu’à un seul et unique modèle de femme. La scène où Esty se fait raser le crâne sous nos yeux est particulièrement poignante…jusqu’au bout, on aimerait être celle/celui qui arrête net la main tenant la tondeuse…en vain. Nous assistons – impuissants – au sacrifice de l’un de ses attributs de féminité.
Dis comme cela, on pourrait crier à la futilité ou encore rappeler que la chevelure d’une femme ne définit pas sa féminité ; mais cet acte est en fait symbolique. Il est visuellement fort et marquant. Il ne signe en fait que les prémices de sa désexualisation, de sa déshumanisation. L’image est d’autant plus intense qu’elle est réalisée en présence de femmes, dont la génération future, ayant ici un aperçu de ce qui l’attend…
L’Allemagne comme liberté
Lorsque l’on connaît les faits historiques, on peut être étonné par le choix d’Esty. Pourquoi fuir dans ce pays, au lourd passif, responsable de l’un des génocides les plus marquants et traumatisants de l’Histoire ? Pourquoi choisir ce pays qui aujourd’hui encore, fait porter un si lourd fardeau à sa communauté, son identité ? Si cela interroge en premier lieu, je trouve ce choix scénaristique plutôt intéressant. Presque beau.
Voir l’héroïne évoluer dans cet environnement, s’intégrer dans un groupe, s’instruire au sein d’une institution musicale de renom, y découvrir l’émancipation et gagner sa liberté : c’est un signe puissant. Ne pourrait-on pas parler d’une certaine manière de rédemption ?
L’exploration de la sociabilité
Cette liberté soudaine aurait pu mener notre petite Esty vers une vie emplie d’abus et de dérives : il n’en est rien.
Un peu de shopping, une virée en boîte de nuit, rien de bien folichon mais c’est tout de même plaisant de la voir découvrir et s’épanouir dans cette atmosphère.
Bien évidemment, elle va développer des amitiés et succomber au charme d’un jeune homme. La romance est mignonne, mais peu explorée.
Ces liens amicaux et amoureux qui vont naître sous nos yeux ont – à vrai dire – peu d’importance dans la narration, et deviennent quasi insipides. On la sent d’ailleurs presque extérieure à tout ça. Comme spectatrice de sa propre sociabilité. Dommage.
L’unique lien social retenant notre attention est celui qu’elle entretient avec sa mère. Cette dernière réside en Allemagne, d’où le choix de ce pays, où elle y a construit sa nouvelle vie. Les flashbacks les concernant sont intéressants et valent le coup que l’on s’accroche à la série.
Unorthodox manque parfois de consistances et de profondeur, cependant c’est une série qui mérite d’existée et d’être visionnée.
On s’attache à ce petit bout de femme, dont la persévérance et la soif de libertés nous émeuvent. De temps en temps, on est cueilli par de belles idées scénaristiques et esthétiques. On est touché par le traitement brut de thématiques fortes (mariage arrangé, viol, féminisme), tout comme de la poésie qui embaume l’envol d’Esty.
Composée seulement de 4 épisodes, vous ne verrez pas le temps passer ! Vous pouvez y aller les yeux fermés !
Fille cachée de Piper Halliwell, il m’arrive de regretter de ne pas avoir hérité de son premier don, pour assouvir mes addictions, qui se résument en quelques mots : le binge watching sur Netflix et autres plateformes de perdition sérielles, dévorer les derniers Hoover/Martin Lugand/Ledig, rattraper mon retard monstrueux dans la Bollywoodsphere et enfin écrire !
Dans mes textes vous retrouverez : un brin d’humour, un zeste de passion et beaucoup de curiosité ! Et mais, ne frôlerait-on pas un huitième du génie d’Astier ? (Okay. Un centième ?).