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Virginité : un tabou incompréhensible

Si la virginité fut un temps « honorable », aujourd’hui elle représente un véritable sujet tabou totalement incompréhensible.

Railleries, remarques blessantes, l’humain ne manque malheureusement pas d’inspiration pour blesser les personnes vierges. C’est oublier que la sexualité est avant tout une question personnelle, dont les choix ne demandent en aucun cas l’approbation d’autrui.

Parce qu’il est temps que l’on parle ouvertement de virginité sans rougir, nous sommes ravies d’accueillir aujourd’hui Danielle, ayant accepté courageusement de briser les non-dits.


Jaïne&Co : Bonjour Danielle, nous te remercions infiniment d’avoir accepté d’évoquer avec nous un sujet plus que tabou : la virginité. Alors, avant d’en parler, peux-tu nous parler un peu de toi ? Quel portrait ferais-tu de toi ?

Danielle : Bonjour ! Merci à vous surtout d’aborder ce sujet. Et bien je suis une femme, j’ai 23 ans. Je dirai que je suis quelqu’un capable d’écouter, mais qui se laisse facilement emporter par ses émotions. Et je suis vierge ! Ou presque … En effet, depuis une opération chirurgicale, mon hymen a été “coupé”, ce qui fait que je ne suis plus “vierge”. Alors que je n’ai jamais eu de relations sexuelles quelles qu’elles soient !

Jaïne&Co : Selon toi, comment la société définit-elle la notion de “virginité” ?

Danielle : Je pense que la société considère les personnes “vierges” comme étant toujours “pures”. C’est à dire encore intouchées, innocentes … C’est un statut soit vénéré (référence à la Vierge Marie), soit moqué : si tu es vierge, tu es encore un(e) enfant, ou alors tu es trop coincé(e).

Jaïne&Co : Pourtant, la définition officielle est tout autre…

Danielle : En effet, on dit d’une personne qu’elle est vierge si elle n’a jamais été pénétrée par quelque chose (doigts, objets, pénis). Regardez : je n’ai jamais été pénétrée, et pourtant je ne suis plus vierge ! Ma mère, après une chute de cheval, a également “perdu” sa virginité alors qu’elle n’avait que 10 ans. L’exemple est, il me semble, assez parlant.

Jaïne&Co : Parviens-tu à aborder facilement ce sujet avec ton entourage, ou sens-tu que le sujet reste sensible et tabou ?

Danielle : Lorsque je parle de virginité, en général ce n’est pas moi qui ai abordé le sujet, mais mon interlocuteur (souvent un homme). Lorsqu’on me demande : “Est-ce que tu as déjà été en couple ? », je réponds toujours “Non” ; et cela les amène souvent à me demander si je suis encore vierge. Je n’ai pas l’impression que cela soit un sujet tabou avec certains d’entre eux … Pour ce qui est de mes amies, on n’aborde pas toujours ce sujet mais il ne s’agit pas d’un tabou.

Jaïne&Co : Lorsque tu en parles, à quelles réactions es-tu confrontée ?

Danielle : Quand j’en parle avec des hommes, et qu’ils apprennent que je suis encore vierge, j’ai souvent comme réaction : “C’est bien, tu es encore pure”. Ils me demandent aussi la raison : est-ce que je me préserve pour le mariage ? Est-ce un choix ? Pour moi ces réactions sont toujours connotées d’un héritage religieux, cette idée de la femme encore pure, qui se réserve pour son futur mari… Au secours !

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Jaïne&Co : Comment te sens-tu, personnellement/intimement, par rapport à ce sujet ?

Danielle : Au collège, je me rappelle que je me vantais (carrément) de ne plus être vierge grâce à mon opération. C’est dire ! Aujourd’hui, je préfère dire que je suis vierge pour “prévenir” que je n’ai aucune expérience sexuelle. Je n’en tire aucune fierté ni honte, pour moi cela ne me définit pas.

Jaïne&Co : Quelles sont tes relations avec la gent masculine ?

Danielle : Disons que c’est le calme plat… J’ai commencé très tôt à me rendre sur les applications de rencontres (en seconde déjà !). Cela me faisait du bien à l’égo, car à cette époque je n’attirais personne. Quand je suis rentrée à la fac, je me rappelle qu’en fin d’année un garçon de ma classe m’avait proposé « un plan cul ». J’étais flattée, mais j’ai refusé. Je ne veux pas passer ma première fois avec un homme qui n’aime que mon corps. Depuis, je suis parfois encore sur les apps de rencontres, mais je n’ai toujours pas trouvé mon “bonheur”.

Jaïne&Co : As-tu suffisamment été en confiance pour discuter de cet inconnu (la sexualité avec un homme te concernant), avec l’un de tes partenaires ? Selon toi : quels mots choisir ? Quand en parler ?

Danielle : Je l’ai été oui, mais je partais du principe que je ne verrais jamais cet homme dans la vraie vie, donc je me suis lâchée, comme qui dirait. Mais je n’étais vraiment pas à l’aise, je ne savais pas quoi dire. J’ai du mal à en parler librement, surtout avec des hommes avec qui je n’ai rien eu de plus qu’une relation épistolaire de quelques semaines. Je considère que c’est trop intime. Je préfère attendre qu’on soit plus proches.

Jaïne&Co : Penses-tu être animée par des peurs, des angoisses, des doutes, des questionnements concernant ta vie sexuelle ? Pourrais-tu, si cela n’est pas trop indiscret et dans le respect de ce que tu souhaites révéler, les partager avec nous ?

Danielle : Mon angoisse principale, c’est celle d’avoir vraiment mal lors de la pénétration. Pour vous donner un exemple, je ne supporte pas les tampons. Impossible pour moi d’en mettre, aussi petit soit-il. Alors imaginez un pénis ! Et j’ai peur de ne rien ressentir, de ne pas aimer ça. J’ai peur aussi que mon partenaire ne m’écoute pas et ne pense qu’à son propre plaisir. C’est pour cela que je préfère attendre une certaine proximité avec mon partenaire.

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Jaïne&Co : Quelle serait pour toi la première fois idéale ?

Danielle : Pour moi, ce serait avec un homme avec qui je me sentirais vraiment en confiance, qui ne serait pas attiré que par mon apparence mais par moi toute entière. Je voudrais que cela se fasse dans l’écoute et la compréhension, dans le plaisir de la découverte. Entre autres choses !

Jaïne&Co : Malheureusement, et de manière totalement incompréhensible d’ailleurs, la virginité reste un tabou de taille en 2021. Comment expliques-tu cela ?

Danielle : Pour moi, c’est encore un coup de ce fameux héritage religieux et patriarcal. Cette image glorifiée de la Vierge Marie, cette idée qu’un organe du corps peut être modifié par un pénis. Et paradoxalement, lorsque tu es encore vierge tu es aussi pointé(e) du doigt comme étant coincé(e). Pour ce qui est des hommes, s’ils sont encore vierges ils sont moqués, raillés, comme si cela ne faisait pas d’eux de “ vrais” hommes.

Jaïne&Co : Qu’est-ce qui, selon toi, pourrait changer la donne ?

Danielle : Je pense que c’est l’éducation que nous donnons à nos enfants qui pourra changer la donne. Apprendre à nos enfants qu’il n’y a rien de honteux ou de valorisant à n’avoir jamais eu de relations sexuelles à tel âge, qu’importe l’identité de genre. Et puis il y a des séries comme par exemple Sex Education ou la série d’animation Big Mouth, toutes deux sur Netflix, dans lesquelles on peut retrouver ce sujet assez bien illustré et expliqué.

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Jaïne&Co : En étroit lien avec la virginité, la masturbation féminine est aussi extrêmement tu. Passée en sourdine, voire montrée parfois de façon honteuse. Pourtant, elle est primordiale dans la découverte de soi, de son plaisir et de son désir. Comment la perçois-tu ? Quel est ton point de vue sur cette question ?

Danielle : Pour ma part, j’ai commencé à me masturber que très tard : en première année de fac, j’avais 19 ans. Jusque-là, je n’osais pas me toucher, je trouvais cela sale, je trouvais ma vulve laide. Mais quelle idée, c’est tellement bon ! Pour moi c’est un phénomène on ne peut plus naturel. La masturbation permet une véritable découverte de soi, de son corps.

Jaïne&Co : Que souhaiterais-tu dire à ces jeunes femmes et ces jeunes hommes vierges, pas forcément à l’aise avec cette étiquette que leur colle la société ?

Danielle : Je souhaiterais leur dire que la virginité ne doit pas les définir. En soi, la virginité n’existe même pas ! Pour les personnes ayant un vagin, l’hymen est déjà percé, il ne s’agit même pas d’une membrane mais d’une sorte de chouchou plus ou moins serré. Être pénétré(e) par un pénis (ou autres) ne change absolument rien !


Un grand merci à Danielle pour son temps et ses mots.
N’ayez plus honte. Votre sexualité ne vous définit en aucun cas. Soyez fiers de vos choix, et surtout ne comparez jamais votre vécu à celui des autres.

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