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Carrière professionnelle : le droit de se tromper (Eve)

Depuis quelques années, un nouveau phénomène apparaît dans notre société : la favorisation de l’épanouissement personnel. En soi, c’est un véritable progrès ; pourtant ce fait est également vecteur d’une très grande frustration dans l’existence de nos jeunes adultes, notamment lorsqu’il est question de la vie professionnelle. Et si nous avions le droit de nous tromper et de tenter plusieurs aventures ? Sommes-nous obligatoirement destinés à exercer un seul emploi stable pour être heureux ?
On a décidé de vous poser la question et de réfléchir ensemble à une vision plus optimiste de l’avenir !


Jaïne&Co : Bonjour Eve, ravie de te retrouver sur le blog pour un nouvel entretien ! La dernière fois, tu étais venue nous parler de ton métier d’orthoptiste ; c’était absolument passionnant ! Pourtant, aujourd’hui, nous te recevons dans un autre cadre : celui du droit de se tromper dans sa carrière professionnelle. Raconte nous où tu en es actuellement…

Eve : Bonjour à toute l’équipe, et merci de me recevoir une nouvelle fois ! Effectivement, beaucoup de choses ont changé depuis le dernier entretien puisque je ne suis plus orthoptiste !

Jaïne&Co : Pour quelle(s) raison(s) as-tu quitté ton ancien métier ? 

Eve : Ces deux dernières années ont été marquées, entre autres, par la Covid, et beaucoup de personnes pourront je pense s’identifier – à différentes échelles – à ma situation.
Le confinement m’a permis un gros travail d’introspection et de questionnement, au niveau personnel et professionnel. Le milieu dans lequel j’évoluais avant ces deux mois de “pause forcée” ne me convenait plus, et je ne l’ai compris et accepté que plusieurs semaines après ma reprise en mai 2020.
Pour simplifier, il m’a fallu un burn-out assez sévère : j’étais déprimée, je ne mangeais plus, et je ne dormais plus. Bref, pour ma santé, j’ai finalement décidé de démissionner mi-juillet. Par sécurité, j’avais passé des entretiens (toujours pour être orthoptiste), et décroché un poste que je devais commencer en septembre. Entre-temps, j’avais quelques semaines pour me poser et y réfléchir sérieusement. Je suis finalement arrivée à cette conclusion : démissionner pour recommencer la même chose dans un cadre différent ne me conviendrait pas davantage.
Mes parents – qui voyaient bien que j’étais perdue – m’ont alors simplement dit de faire ce que j’aimais. C’est là que j’ai compris que ce n’était plus l’orthoptie.

Jaïne&Co : Comment as-tu vécu cette décision ? 

Eve : Honnêtement, ça n’a pas été si dur que ça. Je suis toujours en contact avec certaines de mes anciennes collègues, et mon ancien métier me sert encore aujourd’hui quand les étudiants de ma promo ont un œil irrité ou besoin d’un contrôle ophtalmo. L’orthoptie m’a énormément appris, j’ai rencontré de très belles personnes, et c’est ce que je retiendrai de ces huit ans dans le milieu paramédical.

Jaïne&Co : Tes proches t’ont soutenue dans cette reconversion professionnelle ? Quel rôle ont-ils joué dans celle-ci ? 

Eve : Je n’ai pas les mots pour décrire à quel point mes proches ont été essentiels et exemplaires dans ce moment qui était un peu l’équivalent d’un saut dans le vide. À partir du moment où j’ai annoncé ma décision, personne n’a été étonné et tout le monde m’a demandé pourquoi je ne l’avais pas fait avant. Ma famille m’a poussée et épaulée pendant tout le processus (je crois que mes grands-parents étaient juste contents de voir que j’avais retrouvé l’appétit), et mes amies m’ont aidée et supportée durant les mois difficiles qui ont précédé mon changement de cap. Je pense que je suis très chanceuse d’être aussi bien entourée, et je souhaite à tout le monde d’avoir un cercle aussi solide et uni autour de lui.

©GIPHY

Jaïne&Co : Tu as donc décidé de reprendre des études, comment ton choix a-t-il été orienté ? 

Eve : Tout simplement par une passion d’enfance. Quand j’étais petite, j’avais deux métiers idéaux en tête. Le premier, c’était archéologue. Je me voyais déjà explorer une pyramide avec une torche en déchiffrant des hiéroglyphes, un peu à la Lara Croft. Spoiler : il paraît que les archéologues ne font pas vraiment ça. Du coup, j’ai choisi le deuxième : conceptrice de jeu vidéo. Mon père m’a suggéré une très bonne école, et c’est maintenant là que je suis, depuis bientôt deux ans !

Jaïne&Co : As-tu senti un “décalage” avec les autres étudiants ? Est-ce vraiment une question que l’on se pose lorsque l’on reprend des études un peu avant la trentaine ? 

Eve : Avant d’arriver à l’école, j’avais un peu cette appréhension. Je m’adapte assez facilement, mais là on parlait de quasi dix ans d’écart avec les autres étudiants, et certains profs sont même plus jeunes que moi. Finalement ça s’est fait tout seul : les autres étudiants de ma promo, dont certains sont maintenant devenus de très bons potes, étaient plutôt très intéressés par nos différences de parcours et de génération. La culture, qu’elle soit vidéoludique, musicale ou cinématographique, évolue en permanence, et rapproche les gens. J’ai énormément appris d’eux, et vice versa j’espère !

Jaïne&Co : As-tu été confrontée à des obstacles auxquels tu n’avais pas songé ? Ou au contraire, est-ce que tout a été simple et limpide ? 

Eve : Encore une fois, j’ai été très chanceuse. Une fois arrivée à l’école, c’était une évidence. Il ne se passe pas un jour sans que je ne travaille pas pour le plaisir tellement j’aime ce que je fais. Le plus dur maintenant, c’est d’apprendre à faire des pauses.

©GIPHY

Jaïne&Co : Te sens-tu changée après cette reconversion professionnelle ? Plus heureuse ou plus en phase avec toi-même ? 

Eve : Changée c’est certain, mes proches l’ont également ressenti. Et plus heureuse oui, sans aucun doute. J’ai trouvé ma voie et je m’épanouis chaque jour de plus en plus, notamment grâce aux opportunités que m’offre ce changement de carrière.

Jaïne&Co : Du coup, comment envisages-tu la suite de ta carrière ? 

Eve : Avec l’industrie du jeu vidéo qui explose, surtout depuis la Covid, c’est tout un horizon de carrières qui s’ouvre pour ceux qui s’en donnent la peine. J’adore dessiner et écrire : idéalement, j’aimerais allier ces deux passions et être professeur de narratologie (science des scénarios) et concept artist freelance en parallèle. Et si j’avais la possibilité de travailler à Londres, je ne dirais pas non. Bref, j’ai du pain sur la planche !

Jaïne&Co : Que pourrais-tu dire ou conseiller à ces jeunes adultes qui ont la sensation de s’être trompé de voie professionnelle ? 

Eve : La phrase cliché “Il n’y a pas d’âge pour changer de voie” me vient directement à l’esprit, et au final elle est très vraie. Cependant, au vu de la situation mondiale actuelle, de ces dernières années éprouvantes psychologiquement, et de notre avenir incertain, je n’ai qu’un conseil à donner : faites ce que vous aimez le plus et qui vous fera sentir que vous êtes enfin à votre place. Pour ça, posez-vous les bonnes questions, et apprenez à vous écouter et à vous connaître. Le jour où vous serez heureux et épanouis dans ce que vous faites, alors vous aurez réussi, et vous pourrez aider d’autres gens à faire de même.


Un grand merci à Eve pour ce témoignage plein d’ondes positives ! Comment douter de la nécessité de « sauter le pas » lorsque l’on ne se sent plus à sa place, après ce retour d’expérience ?
Alors, on la franchit cette étape ?

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