Être Auxiliaire Petite Enfance à la crèche
Notre série d’interviews de professeurs – de la maternelle à l’université – a suivi le parcours scolaire (potentiel) d’un enfant. Ces articles vous ont plu et ont suscité plein de réactions, que ce soit dans les commentaires ou par mail !
Pour apporter une touche finale, j’ai réfléchi. Toutes les mamans ne sont pas mères au foyer jusqu’à l’entrée en maternelle. Les bébés sont souvent laissés à des nounous, aux grands-parents… ou encore à la crèche !
Alors remontons à la petite enfance et allons rendre visite à Julie S., auxiliaire petite enfance en crèche afin qu’elle nous explique son métier !
Quel est ton poste à la crèche ?
Je suis Auxiliaire Petite Enfance. Mais selon les crèches, mon poste n’a pas la même appellation. On peut se faire appeler Auxiliaire de Crèche ou Assistante Petite Enfance. Auxiliaire Petite Enfance est l’appellation la plus répandue et c’est celle que j’ai utilisée lors de ma recherche d’emploi.
Quel(s) âge(s) ont les enfants dont tu t’occupes ?
Nous accueillons les enfants à partir de 2 mois et demi, donc à la fin du congé maternité de la maman. Ils sont là en moyenne jusqu’à 3 ans, ça dépend de leur mois de naissance, avant de rentrer à l’école.
Quelles ont été tes études ?
J’ai passé mon CAP Petite Enfance à distance, en candidat libre.
Qu’est ce qui t’a donné envie de devenir Auxiliaire Petite Enfance ?
En fait, je suis devenue Auxiliaire Petite Enfance après une reconversion. Et je me suis demandée “Où est-ce que je me verrais bosser pendant les dix prochaines années ?”. J’ai toujours eu une facilité à aller vers les enfants, à faire des choses créatives avec eux, ce qui m’a conduit vers la crèche. Donc je me suis lancée dans le CAP Petite Enfance.
Je ne voulais pas travailler en maternelle car je ne voulais pas être dans un cadre scolaire. Je voulais vraiment m’occuper des tout-petits. Par exemple, le métier d’ATSEM (Agent Territorial Spécialisé des Écoles Maternelles) ne me tente pas du tout car je trouve que c’est plus un métier d’assistante de la maîtresse, et ça ne m’aurait pas permis de créer les activités pour les enfants. Pour moi, le métier d’ATSEM c’est suivre le mouvement qu’impose la maîtresse.
Alors qu’en tant qu’Auxiliaire Petite Enfance, Auxiliaire de Puériculture ou Éducatrice de Jeunes Enfants, tu fais les soins des enfants (les changer, leur donner à manger, etc) mais tu crées aussi des activités, des jeux, etc. J’ai une liberté créative que je n’aurais pas en tant qu’ATSEM en maternelle.
Quand as-tu commencé à travailler en crèche ?
J’ai eu le diplôme début juillet 2018, j’ai démissionné de mon travail dans la vente et j’ai commencé en crèche en août. Donc ça a été très vite après l’obtention de mon diplôme.
Quelles sont tes missions à la crèche ?
Alors, normalement, je suis en charge de tous les soins envers les enfants donc leur confort (les changes, le lavage des mains et des yeux), les repas, le sommeil, etc. Je propose aussi des activités, et je les guide peu à peu vers l’autonomie, surtout chez les moyens-grands. Pour les bébés c’est plutôt un accompagnement vers la marche, leur donner confiance en eux, donc une différente forme d’indépendance comparé aux plus âgés.
Donc ma mission principale, c’est de les accompagner dans chacune des étapes de leur développement.
Y a-t-il une dimension pédagogique à ton travail ?
Oui ! Les activités et jeux sont en fonction des besoins et de l’âge de chaque enfant. Je m’adapte en permanence pour aider les enfants et ne pas les bloquer ou les frustrer. Nous savons où nous devons les amener, l’apprentissage de la marche, de manger seul, et aller sur le pot, etc. Mais nous nous adaptons à chacun. Nous créons des activités qui les aident à aller vers toujours plus d’autonomie.
Pour toi, quelle est la qualité requise pour être auxiliaire petite enfance ?
La patience ! *rires* Il faut être patient et calme. En crèche, tu as du bruit dans les oreilles toute la journée. Tu répètes tout le temps la même chose, que ce soit dans les gestes ou les paroles. Il faut vraiment être très patient et savoir rester calme en toutes circonstances.
Et puis aimer les enfants. Ça semble stupide à dire, mais si tu n’aimes pas les enfants, ne viens pas travailler en crèche.
Enfin, aimer le travail en équipe. Tu n’es jamais seul(e) et tu dois savoir passer le relais à tes collègues ou prendre le relais, communiquer avec eux. Il faut vraiment savoir s’écouter entre collègues et avancer ensemble, sinon l’ambiance dans la crèche en pâtit.
Donc il y a vraiment une dimension d’esprit d’équipe au sein des crèches en fait.
Bien sûr ! Au sein de chaque section et aussi à l’échelle de la crèche entière. Nous avons des projets en commun entre sections avec la fête de fin d’année et d’autres projets importants au sein d’une crèche, c’est l’esprit d’équipe qui en permet la mise en place !
Par exemple, avec une collègue, nous avons mis en place des “Café-Parents”. Donc nous nous sommes réunies toutes les deux, on a évalué ce qui n’allait pas dans la section en fonction des âges, on a préparé des informations à communiquer aux parents, et lors de ces réunions, nous échangeons tous ensemble, parents et professionnels de la crèche autour d’un thème. Car il n’y a pas que les enfants en crèche, il y a aussi les parents ! *rires*
Qu’est ce que tu préfères dans ton métier ?
Jouer avec les enfants. Je me roule par-terre, je fais des courses de vélos avec eux, je mets des plots sur ma tête pour faire la sorcière, je chante des chansons… Les entendre rire et les voir s’amuser, c’est un bonheur ! Je suis une grande enfant donc je suis vraiment dans mon élément.
Qu’est ce que tu n’aimes pas dans ton métier ?
L’aspect contraignant de la crèche. En fait, tu n’es pas libre de faire tout ce que tu aimerais avec les enfants question activités, car tu dois tout tracer, tout noter. C’est une sécurité pour l’établissement et les enfants, mais ça prend un temps fou. Tu passes plus de temps à tout tracer qu’à t’occuper des enfants en fait.
Et le nombre d’enfants par section. Nous en avons trop par adulte ce qui fait que nous passons à côté d’énormément de choses. Nous avons l’impression d’avoir mal fait lorsqu’on rentre chez nous le soir. “Je n’ai pas changé un tel à temps, je n’ai pas pu prendre un tel dans les bras parce qu’un autre devait manger. Lui, j’ai oublié ça”.
Donc ce que je n’aime pas dans mon métier, ce sont les conditions contraignantes de vie à la crèche, mais obligatoires.
Selon toi, vous êtes donc en sous-effectif ?
Oui. Clairement oui, nous sommes en sous-effectif, et nous l’avons été toute l’année. Nous espérons l’être moins l’année prochaine.
Pour toi, quelles seraient les meilleures solutions pour remédier à cette situation ?
Je pense qu’il faut réduire le nombre d’enfants par professionnel. C’est ce qu’ils font dans d’autres pays comme l’Allemagne, la Belgique. Évidemment, ça signifie qu’il faut ouvrir plus de crèches.
En France, tu as cinq enfants -qui ne marchent pas- par professionnel. Les gens pensent que ce n’est pas beaucoup, mais si sur les cinq tu en as un qui est en train de pleurer parce qu’il a faim, un autre qui a besoin qu’on le change, un qui est fatigué et les deux derniers qui jouent…tu ne peux pas les laisser seuls. Comment tu fais ?
Et pour les enfants qui marchent, c’est un professionnel pour huit. Alors, quand ils marchent c’est plus gérable car ils sont beaucoup plus autonomes, mais ça reste beaucoup de petits pour un adulte. Quand ils ont tous décidé de grimper sur les meubles en même temps, faut savoir gérer !
Dans certains pays du nord, il me semble que c’est entre trois et quatre enfants par adulte. Qu’ils sachent marcher ou pas. Donc beaucoup plus gérable !
Réduire le nombre d’enfants par professionnel, réduire le nombre d’enfants par espace pour qu’ils aient plus de places et plus de liberté de mouvements, avec une augmentation du nombre de crèches, ça serait bien.
Que dirais-tu à quelqu’un qui souhaite être Auxiliaire Petite Enfance ?
Je leur demanderais les raisons. Si c’est juste “J’aime les enfants”, je répondrais “Fais du baby-sitting”. Par contre si c’est quelqu’un qui me dit “J’ai envie d’être là pour voir le développement des enfants pendant leur petite enfance”, là je dis banco !
Moi c’est ça qui me plaisait. Je sais que les enfants ne vont pas se rappeler de moi, mais j’ai été là pendant leurs premiers pas, à les encourager, à devenir plus autonome. Je suis très heureuse d’avoir un rôle dans ces apprentissages car toute la vie on marche, on parle, on joue, on agit en société, et j’ai été là pendant leurs toutes premières expériences et réussites. C’est très gratifiant. Participer à des petites victoires dans la vie d’un enfant.
Mais si le métier vous intéresse juste parce que vous aimez les enfants, faites du baby-sitting. La crèche, c’est beaucoup de pression, beaucoup de règles et c’est très fatiguant donc il faut avoir les épaules solides et être passionné par le métier.
Un petit mot pour les parents ou futurs parents ?
Ne pas hésiter à poser toutes les questions qu’ils ont. S’ils ne communiquent pas avec nous, il peut y avoir des non-dits, des tensions, et ce n’est pas sain. Donc qu’ils n’hésitent pas, nous sommes là pour leur répondre !
De ne pas nous prendre pour des bonnes, à garder leurs enfants. On n’est pas juste là pour changer des couches et donner à manger. On est en sous-effectif, on galère, des fois on accueille les enfants alors qu’on ne devrait pas ; car ça explose le quota autorisé. Mais on le fait quand même car ça permet aux parents d’aller bosser.
C’est compliqué quand les parents nous font des réflexions. On a beau leur dire “Je suis désolée mais là pendant que je vous parle, j’ai cinq bébés qui pleurent derrière”. Donc ayez un peu de recul et de tolérance avec nous. Après attention, pas trop tolérants non plus, nous avons des règles à suivre et si un/e professionnel/le ne les suit pas, il faut le signaler !
Mais Ne nous prenez pas de haut, ni pour des débiles. Nous sommes loin de l’être. Nous prenons soin de vos enfants tous les jours, nous assurons leur sécurité et leur bien-être. Ce n’est pas un métier facile, nous sommes nombreux à avoir des Licences et des Masters qui n’ont rien à voir avec la petite enfance. C’est juste qu’on aime ce métier et que l’on fait de notre mieux dans des conditions loin d’être idéales.
Merci Julie d’avoir répondu à mes questions !
Si vous souhaitez témoigner sur Jaïne&Co à propos de votre métier ou une expérience de vie, n’hésitez pas à nous écrire à jaineandco@gmail.com !
Dans un grand chaudron, mélangez une bonne poignée d’influence Disney, une pincée d’humour noir, plus de 500 kilos de livres, un soupçon d’arc-en-ciel, les lunettes d’Harry Potter, vos codes Netflix et un panier de curiosité jamais satisfaite, et j’apparaîtrais comme par magie!
3 commentaires
Julie S.
Merci de m’avoir donné la parole 😊 ca fait du bien de se faire entendre. Venez travailler en crèche on cherche du monde 😁
TRUILLET
Merci de ce beau témoignage, voilà un beau condensé de ce que représente un métier de la petite enfance !
Ce qui lie tous ces professionnels -les, c’est une présence quotidienne auprès d’enfants, une bienveillance mais aussi souvent une exaspération, c’est humain !
il faut le dire, aussi ! comme pour les parents à leur domicile ! on a le droit d’être fatigué !
C’est pourquoi les groupes de parole sont utiles, et devraient être obligatoires !
Bon courage à tous, tes !
Cla
Superbe présentation d’un métier dont on entend pas souvent parler ! Bravo 🙂