Humans

Être professeure des écoles en maternelle

Cet article a été rédigé avant le confinement. Nous avons décidé de le laisser dans l’état, car le message véhiculé ne change pas avec l’actualité. Bonne lecture !

Suite à la lecture de cet article du Monde, je me suis interrogée sur le métier de professeur(e) des écoles et de professeur(e) en secondaire. Dans ma tête, ce sont des métiers pénibles, non reconnus pour leur réelle valeur par le reste de la société, non respectés par les élèves. Tant de négativité envers ce métier qui est pourtant indispensable. 

Pour apporter de la positivité et en apprendre plus sur cette vocation, je me suis mise en quête d’interviewer des enseignant(e)s. 

Et voici le premier témoignage de cette série d’articles : celui de Caroline R., professeure en maternelle.

© Jaïne & Co

Propos recueillis le 26 février 2020

Quel est ton poste exact ?

Je suis professeure des écoles adjointe en poste fixe.  Cette année, j’ai une classe double niveau petits/moyens.

Quelles ont été tes études ?

J’ai fait une maîtrise d’Histoire à la fac et je me destinais au journalisme presse écrite. Un professeur m’en a dissuadé en me disant que j’allais faire de la pige toute ma vie. Du coup, je me suis tournée vers le professorat. J’y avais déjà songé mais plus dans le secondaire (collège et lycée), et puis j’ai finalement choisi le professorat avec les petits.

Donc j’ai fait des études d’Histoire puis après l’IUFM (Institut universitaire de formation des maîtres, supprimé en 2013) pendant deux ans. C’est avec les expériences de mes différents stages obligatoires (stages d’observation et stages en responsabilité) en école maternelle et en école élémentaire que j’ai décidé de me diriger vers l’école maternelle. 

© Jaïne&Co

Quand as-tu commencé à travailler ?

J’ai passé mon concours il y a dix-huit ans et j’ai fait ma première rentrée en septembre 2001.

Qu’est ce qui t’a donné envie de devenir professeure des écoles ?

J’avais aussi envie d’avoir une vie de famille, des enfants, et donc d’avoir un métier où j’avais du temps pour moi, mes proches, etc.

J’ai toujours eu le professorat dans un coin de ma tête car je viens d’une famille de profs et que j’aime bien transmettre.

Pour toi quel est le rôle des professeurs des écoles ?

Nous avons un rôle de transmission de valeurs et de connaissances. La maternelle étant le premier degré de la scolarité, il est très important de transmettre le goût de l’école mais aussi le goût d’apprendre. J’ai envie que mes petits élèves aient envie d’aller à l’école, d’apprendre et qu’ils aient la curiosité des choses.

Et puis, nous avons évidemment un rôle d’éducation, de sociabilité, de premières connaissances à transmettre, de bases à connaître avant le secondaire. Nous avons également un rôle de détection assez important, en terme de difficultés et de handicaps éventuels, surtout en maternelle.

Quels sont les buts pédagogiques de fin d’année pour ta classe ?

Déjà, respecter les programmes.  On a des programmes officiels avec des objectifs pédagogiques à suivre.

Il faut dans un premier temps développer le langage oral, avoir une première approche du langage écrit. Le vivre ensemble est également très important à cet âge-là (entre 3 et 5 ans), c’est-à-dire apprendre à vivre avec les autres, à respecter les règles, à vivre en société, etc. Ensuite, il y a tout ce qui touche au domaine de la logique, des premières mathématiques. Et pour finir, le corporel : la motricité du corps, être à l’aise dans son corps, bouger, découvrir toutes les capacités que le corps permet.

Ce sont tous les domaines abordés dans les programmes. Mais comme je disais plus haut, un de mes objectifs premiers est de leur faire aimer l’école et de leur donner envie d’apprendre. Être heureux là où ils sont et d’apprendre à se connaître un petit peu aussi -même si c’est difficile à trois ans *sourire*-, d’apprendre à voir ce qu’ils sont capables de faire, et que  s’ils ne savent pas faire la même chose que les copains, ce n’est pas grave car il savent faire pleins d’autres choses aussi… Une certaine acceptation de soi.

Enfin, j’essaie, en tout cas c’est mon but ! *rires*

© Jaïne&Co

Pour toi quel est la qualité requise pour être professeur des écoles ?

La patience ! Je pense que ça fait partie des grandes qualités que l’on doit avoir. L’écoute et ne pas avoir peur de répéter les choses beaucoup de fois, surtout chez les petits. Et avoir soi-même une curiosité pour pouvoir la transmettre aussi. 

Qu’est-ce que tu préfères dans ton métier ?

La relation à l’enfant, j’adore ça. Le contact avec les enfants c’est magique ! Surtout à 3-4 ans, ce sont des âges super. Ils s’émerveillent de tout, ils sont curieux de tout, ce sont des sourires ambulants ! 

Ils nous apportent beaucoup aussi, en tant qu’humains. Je leur apporte des choses mais ils m’apportent aussi beaucoup au quotidien. C’est hyper enrichissant.

Quel est ton moment préféré dans une journée ?

J’adore la lecture d’album. Il peut il y avoir plusieurs moments dans la journée mais moi j’aime bien faire ça en début d’après midi, c’est un moment de pause un peu, un moment où il y a une petite baisse de concentration, l’heure de la sieste quoi ! *rires*

Alors évidemment mes petits font la sieste après le déjeuner jusqu’à 14h30-14h45 donc je fais cette lecture d’album avec les moyens. J’ai d’autres moments de lectures d’album avec les petits, plus faciles naturellement. 

© Jaïne&Co

Qu’est ce que tu n’aimes pas dans ton métier ?

Ah c’est une bonne question ça. Pas grand chose à vrai dire… La fatigue. La fatigue inhérente. La fatigue due aux sollicitations constantes des petits. C’est assez difficile à gérer. J’apprends à la gérer maintenant mais les journées sont un peu épuisantes. C’est un peu dur car quand tu rentres chez toi le soir, t’es épuisée. 

C’était difficile aussi au tout début de ma carrière quand j’avais la vingtaine étonnamment, donc ce n’est pas une question d’âge. J’apprends à la gérer aujourd’hui mais l’âge aidant ça n’améliore pas les choses non plus. Mais je pense que c’était encore plus difficile quand j’étais jeune car je m’y attendais moins, je l’appréhendais moins et je me reposais moins aussi. J’ai appris à me reposer ! *rires* 

Qu’est ce qui t’énerve dans l’Éducation Nationale aujourd’hui ?

Ouuh vaste sujet !

C’est peut-être le manque d’écoute des enseignants et de toutes les remontées qu’on peut leur faire venant de la base. Pleins de choses disfonctionnent et ils n’entendent pas. C’est agaçant. 

Notamment les directions qui ne sont pas assez aidées et pas assez déchargées, le travail administratif qui n’en finit pas pour les directeurs. Et puis le fait que l’on nous demande dans la loi d’accueillir des enfants handicapés et qu’on nous ne donne pas toujours les conditions pour le faire. C’est agaçant aussi. 

En fait, ce sont les discours qui viennent d’en haut et qui n’écoutent pas la base. Ils sont décrochés de la réalité. 

Durant l’année scolaire, quel est l’activité que tu fais avec les enfants que tu préfères faire ?

J’adore la sortie de fin d’année, ça c’est un moment génial. On est toute la journée en sortir avec eux. La sortie varie selon les années pour les moyens et les grands. Par exemple, l’année dernière on les a emmenés au Parc des Félins à Lumigny-Nesles-Ormeaux en Seine-et-Marne (77). En revanche, les petits vont à la ferme tous les ans car c’est ce qui leur convient le mieux.

Et sinon au quotidien, ce que j’adore c’est l’Art visuel, car en maternelle on en fait beaucoup, tout ce qui est peinture, encre, modelage, etc, j’adore ça. Les faire s’exprimer à travers les arts. 

© Jaïne&Co

Un petit mot pour les parents ou futurs parents ?

Laissez grandir vos enfants. *rires*

Evidemment beaucoup de parents laissent leurs enfants grandir à leur rythme mais d’autres leur mettent la pression très jeune. C’est peut-être lié à la sociologie de la ville. Mais certains veulent que leur enfant passe son bac à la fin de l’année… À 3 ans… Donc voilà, parfois ils leur mettent un peu la pression et je pense qu’il faut plutôt leur laisser le temps.

Et puis on a aussi des parents qui couvent très longtemps leur enfant, mais c’est plus rare.  

Donc laissez les grandir dans tous les sens du terme. Lâchez leur un peu les baskets ! *rires*

© Jaïne&Co

Merci encore à Caroline d’avoir répondu à mes questions ! On se retrouve bientôt pour le deuxième article de cette série !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *