Être professeure de SVT remplaçante au lycée
J’adorais la SVT à l’école, pas vous ? Disséquer des grenouilles et observer des cailloux au microscope, c’était mon truc ! Contrairement au sport…
Maureen B. a très gentiment accepté de répondre à nos questions ! Toute jeune enseignante, elle a une passion sans limite pour son métier, ce qu’on adore chez Jaïne&Co !
Propos recueillis le 24 avril 2020
Quel est ton poste exact ?
Cette année, je suis enseignante du second degré de SVT remplaçante. Je suis donc affectée par une académie dans différents collèges et lycées ayant besoin d’un enseignant de SVT. Mais j’ai de la chance car j’ai été affectée à l’année, c’est à dire que contrairement à d’autre remplaçants je n’ai pas changé plusieurs fois d’établissements. Je suis donc à la fois professeure dans un collège pour les niveaux 6ème, 5ème et 4ème, et professeure dans un lycée pour des 2nd et des 1ère.
Donc au collège et pour mes classes de 2nd, je suis professeure de SVT (Sciences et Vie de la Terre) et en 1ère j’enseigne une partie du tronc commun de sciences appelé aujourd’hui Enseignement Scientifique. Dans certains établissements, l’Enseignement Scientifique est fait par un seul et même professeur, mais dans mon lycée il est réparti entre les professeurs de SVT et les professeurs de Physique-Chimie puisque le programme d’enseignement scientifique concerne ces deux matières.
Qu’est ce qu’est l’Enseignement Scientifique ? Le bac est loin pour beaucoup de nos lecteurs et lectrices…
En fait maintenant, les élèves de 1ères ont des enseignements communs : Enseignement Scientifique, Enseignement Moral et Civique, Éducation Physique et Sportive, Français, Histoire-Géographie, et Langues vivantes.
À côté de ça, en 1ère, ils choisissent trois spécialités parmi une multitude proposée dans la brochure que tu reçois en début d’année. En réalité, ça dépend des établissements. Mais du coup, ils peuvent prendre Spécialité SVT.
À la fin de l’année de 1ère, ils ont des épreuves communes, les E3C, contre lesquelles ont a beaucoup fait grève cette année mais qui ont été annulées à cause de l’actualité. Donc les E3C, c’est entre guillemets du contrôle continu, car ce sont des épreuves qui vont se tenir en mars, avril ou mai selon les matières. Elles comptent dans la note du bac.
À la fin de la 1ère, ils doivent abandonner une des trois spécialités qu’ils ont étudié durant l’année. Cette spécialité qu’ils abandonnent va être évaluer par l’intermédiaire d’une épreuve.
Les Terminales de cette année sont encore des Terminales S, ES et L, mais l’année prochaine la réforme se met en place pour eux aussi, et du coup les élèves auront que deux spécialités et pourront prendre une option en plus. Par exemple, si des élèves ont abandonné la spécialité Mathématiques mais veulent continuer à faire plus de maths pour leurs études supérieures, ils peuvent prendre l’option.
Et du coup, là encore, il y aura des épreuves E3C en Terminale, qui seront des épreuves de contrôle continu -entre guillemets. Ces dernières ne se passent plus en juin mais un peu avant. Elles s’ajoutent à d’autres examens finaux écrits ainsi qu’un grand oral.
En plus de tout ça, maintenant, les moyennes des années de 1ère et Terminale comptent dans le calcul de la note du bac, pour un pourcentage très infime, mais elles comptent quand même.
Quelles ont été tes études ?
À partir de post-bac, j’ai fait trois ans de double-licence Biologie et Géologie à l’Université Pierre-et-Marie-Curie (aujourd’hui appelée Sorbonne Universités). Ensuite j’ai fait le Master MEEF (Métiers de l’Enseignement, de l’Éducation et de la Formation) en spécialité SVT, toujours à l’UPMC.
À la fin de ma première année (M1), j’ai passé mon CAPES (Certificat d’Aptitude au Professorat de l’Enseignement du Second degré) que j’ai eu.
Après j’ai demandé un report de stage pour faire un an de prépa pour passer l’agrégation que je n’ai malheureusement pas eu, mais j’ai eu la formation, donc je vais pouvoir repasser le concours plus tard.
Et ensuite j’ai fait ma deuxième année de master MEEF où là j’ai fait mon stage. Donc j’étais entre un poste d’enseignante à mi-temps et mes cours à l’ESPE. J’ai fait un mémoire et à la fin j’ai été titularisée.
Quand as-tu commencé à travailler ?
J’ai commencé à travailler en septembre 2018 avec mon poste à mi-temps, et j’ai fait ma première rentrée en tant que professeur titulaire en septembre 2019.
Qu’est ce qui t’a donné envie de devenir professeure de SVT ?
Dès le collège, les métiers de l’enseignement m’attiraient. Mais je me dirigeais plutôt vers prof de français ou prof d’Histoire-Géographie parce que j’adorais ça. Et puis, quand je suis arrivée au lycée et qu’on a commencé à faire de la SVT d’un plus haut niveau on va dire, c’est cette matière-là qui s’est détachée.
Pour toi quel est le rôle du professeur ?
En tant que professeur de SVT, je considère qu’une de mes fonctions c’est de transmettre une culture scientifique et tout ce qui va avec. Moi j’aime la SVT parce que c’est une science qu’on peut retrouver dans notre quotidien. C’est-à-dire que je peux m’appuyer sur le quotidien de mes élèves pour étudier les choses que ce soit au collège ou au lycée. Ils vont tous dehors, ils voient des plantes, entendent parler du réchauffement climatique… Donc c’est quelque chose de très concret. Et leur apporter les clés pour comprendre ce qui les entoure, ça me plaît !
Et puis il y a tout ce qui va être autour de cette culture scientifique comme le développement de leur esprit critique. On essaie beaucoup de le travailler ensemble, et personnellement j’adore ça ! Leur donner des clés, pour que plus tard ils ne soient pas des « moutons » ; mais qu’ils réfléchissent par eux-mêmes, cherchent leurs sources et ne prennent pas une information pour acquise.
Après en dehors de ça, cela varie entre le collège et le lycée, mais au lycée, ça va être aussi essayer de leur faire développer des connaissances utiles pour plus tard. Alors eux, ils ont l’impression que ce savoir ne leur sera jamais utile mais en réalité ils s’en servent tous les jours ! Être capable de lire un document, exploiter un graphique ou un tableau… Toutes ces petites choses simples qu’on leur inculque à travers des activités en classe.
Pour toi, quelle est la qualité requise pour être professeur ?
C’est dur ! J’ai le droit qu’à une ? *rires*
La patience. Ce n’est pas forcément péjoratif envers les élèves mais je pense que pour quelqu’un qui ne supporterait pas d’être professeur, ça serait un des trucs qui le rebuterait le plus. On répète beaucoup, on doit être patient avec les élèves parce qu’ils n’avancent pas toujours au même rythme, ils ne comprennent pas toujours ce qu’on aimerait, on passe du temps à préparer des activités en se disant que ça va bien marcher et en fait ça ne marche pas du tout…
D’ailleurs en rapport avec ça, il faut aussi savoir rebondir vite, être réactif, se renouveler, être débrouillard. Moi en sciences, pour faire des manipulations qui vont les intéresser avec le peu de budget que j’ai à disposition, il faut que je trouve des combines, que je bricole des trucs.
Passionné aussi. Parce que si on n’aime pas la matière que l’on enseigne, c’est difficile de la transmettre correctement aux élèves. Je pense que le feeling avec les élèves passent bien quand ils sentent qu’on aime ce qu’on leur apprend. En tant que jeune prof, je pense que c’est important.
As-tu un but de fin d’études pour toutes tes classes de lycée ?
À la fin de la 2nd générale, les élèves doivent choisir entre les voies générale, professionnelle ou technologique. Donc pour eux, je cherche à leur apporter tout ce qu’il leur faut, quelle que soit la filière qu’ils choisissent.
Pour les 1ères, c’est un peu la même chose, car comme je m’occupe du tronc commun, ça ne va pas être un aspect notionnel pour les années d’après. Je n’ai qu’une heure par semaine avec eux, ce qui est peu, donc j’essaie surtout de leur transmettre une culture scientifique et un esprit critique. En Enseignement Scientifique, leurs connaissances, ça va plutôt être du « prétexte » car certains ne feront plus de sciences l’année d’après. Je sais que le cristal sous toutes ses formes, ils s’en fichent. Par contre, savoir reconnaître des sources et faire attention aux fake news, c’est important.
En 2nd, c’est essayer de jongler entre apporter à ceux qui vont continuer dans les sciences ce dont ils ont besoin et en même temps, apporter à ceux qui ne se dirigeront pas vers ça des connaissances basiques pour plus tard.
Pendant le confinement, comment fais-tu classe à tes élèves ?
Étant donné qu’en 2nd, je ne les vois que une heure et demie par semaine en temps normal, et en 1ère une heure par semaine, je ne fais pas de classe virtuelle pour ne pas surcharger leurs emplois du temps.
Ce que je fais c’est qu’un jour dans la semaine, le samedi pour mes 2nd et le mercredi pour mes 1ère, je leur mets en ligne sur le cahier de texte Pronote un fichier de consignes où je leur explique ce qu’ils doivent faire pour la semaine, avec en pièce jointe l’activité qu’ils ont à faire et les modalités de rendu si je leur demande de me la rendre. S’ils doivent me la rendre, ils font un fichier numérique classique et me le déposent sur Pronote, je le regarde et leur envoie la version corrigée.
Je ne fais pas d’évaluations, je ne donne pas de notes parce que de toute façon elles ne compteront pas. Par contre je leur fais des petits quizz en ligne sur ce qu’on est en train de faire, pour que ce soit un petit peu plus ludique et que, eux-mêmes se rendent compte s’ils ont bien compris (ou pas) ce qu’ils avaient fait les semaines précédentes.
Qu’est ce que tu préfères dans ton métier ?
Ce que j’aime, c’est que pendant des années je ne vais jamais faire la même chose tous les jours. Même si j’aurais fait mes cours et que je ferais à peu près les mêmes choses, les programmes changent et chaque classe est différente. Je n’aurais jamais les mêmes élèves, les mêmes personnalités, ils ne prendront jamais une séance de la même façon. Je ne vais jamais m’ennuyer ! C’est tout le temps différent.
Et évidemment le contact avec les élèves. Car les élèves, ce sont des « petites choses » très marrantes, parfois agaçantes mais ils te font rire. Ils t’enrichissent car eux aussi t’apportent des choses. Tu en fais de même et ils te le rendent bien. Parfois, ils vont te dire « cette séance-là était trop bien !« . Et puis d’autres fois ils sont moins sympas et te diront « C’est pas fou« , mais ce n’est pas grave, on les aime aussi pour ça !
Qu’est ce que tu n’aimes pas dans ton métier ?
Euh… Ce qui pourrait un jour me lasser, ça serait le côté Éducation Nationale. Le fait qu’on ne soit jamais trop écouté sur ce qu’on fait remonter, que l’on ne soit pas entendu et que l’on soit tout le temps en train d’essayer de se battre avec trois bouts de pain alors qu’ils pourraient te donner plus mais ne le font pas. Bon à mon échelle j’ai une logique comme ça, mais c’est peut-être faux, ceci dit cela reste mon ressenti.
Aussi le fait de ne jamais décrocher de mon travail. Je peux être à 23h30 en train de terminer une activité, travailler même quand je suis dans mon lit. J’ai du mal à ne pas travailler tous les jours même le dimanche, surtout tard dans la soirée. C’est à double tranchant. C’est bien car je n’ai que 18 heures par semaine devant les élèves donc il faut bien que je travaille mes cours à côté, mais se donner des horaires soi-même c’est compliqué.
Après je suis au début de ma carrière donc j’espère que ça s’améliorera avec les années. Et puis cette année je n’ai pas beaucoup de chance car j’ai cinq niveaux différents d’un coup et je n’ai pas de cours de prêt. Donc je dois préparer mes cours pour chaque niveau au jour le jour parce que -évidemment – tu ne sais pas quel(s) niveau(x) tu vas enseigner le 1er juillet mais le 1er septembre, sinon ça ne serait pas drôle. Donc toute l’année je cours après les chapitres. Au fur-à-mesure des années ça ira mieux. Du moins je l’espère !
Tu as déjà commencé à y répondre mais qu’est ce qui t’énerve dans l’Éducation Nationale aujourd’hui ?
Ce que j’ai dit plus haut, donc ce sentiment de ne pas être écouté sur des questions importantes. En fait, souvent ce qui revient quand j’en discute avec les collègues, c’est que, que ce soit notre Ministre ou notre Président, on dirait qu’ils sont déconnectés de la réalité de certaines choses, de la réalité du terrain mais même dans les INSPÉ (Instituts Nationaux Supérieurs du Professorat et de l’Éducation) pendant notre formation.
L’année dernière pendant mon stage, je m’en rendais bien compte car j’avais des élèves devant moi et je vivais certaines situations, et à côté j’avais les cours de l’INSPÉ qui présentaient ça tout beau tout rose, “s’il se passe ci ou ça, vous faites ça”. Oui mais en fait il y a mille autres situations auxquelles on ne nous prépare pas et devant lesquelles on doit se débrouiller.
Après, dans les formations ils ne peuvent pas non plus tout prévoir, et ce qu’ils nous donnent c’est la base. Mais quand tu te retrouves face à des élèves en difficulté, que tu n’arrives pas à t’en occuper et que ça te frustre toi car tu aimerais les aider, mais personne ne t’a donné les clés pour, c’est compliqué.
Durant l’année scolaire, quelle est l’activité que tu préfères faire avec tes élèves ?
Déjà quand il y a un travail pratique avec une manipulation, les élèves aiment bien, ils sont souvent plus investis donc c’est toujours chouette.
Et sinon, cette année, j’ai fait une sortie avec mes secondes, je les ai emmenés dans un parc près du lycée pour observer la biodiversité, et ça à chaque fois c’est vraiment top. L’année dernière, je ne l’avais pas fait sous forme de sortie mais les élèves avaient été dans la cour récupérer de l’eau dans les flaques pour l’observer au microscope. Ils s’étaient rendus compte qu’il y avait plein de choses dedans, c’était super sympa. Et là, pareil, avec la sortie dans le parc, comme on leur donne des clés pour essayer de noter toute la biodiversité du parc, ils réalisent qu’il y a pleins d’oiseaux, pleins de plantes, plein plein plein de choses ! Ils passent tous les jours devant mais ne s’en rendent pas compte.
En plus ils adorent sortir. Donc contempler les élèves que tu vois tous les jours dans une classe, en dehors de l’établissement scolaire : c’est toujours chouette, car ils ne sont jamais pareils. Ils sont marrants. Surtout des lycéens de 15 ans, c’est magique ! Ils se libèrent un petit peu plus quand ils sont dehors et puis ils aiment bien sortir parce que j’enseigne dans un lycée du 93, donc pas forcément de moyens et eux n’avaient jamais fait de sortie. Évidemment cela rajoute une saveur de les faire sortir, même si ce n’est que dans le parc d’à côté.
Un petit mot pour les parents ou futurs parents ?
Alors les futurs parents, avant que leur enfant soit au lycée, ils ont le temps ! *rires*
Je vais parler dans mon cas, car il m’est arrivé de croiser des profs qui ne correspondent pas à la description que je vais faire, mais un prof, ça aime sa matière, ça aime ce qu’il fait avec les élèves. Et des fois, je pense que les parents sont un petit trop concentrés sur leur enfant uniquement et pensent que ce qu’il se passe dans la classe n’est que pour leur gamin. Mais c’est faux ! Nous avons des classes aux effectifs nombreux (dans ma classe de 1ère, j’ai 37 élèves !). Nous avons d’ailleurs plusieurs classes, plusieurs niveaux donc nous faisons ce que nous pouvons et avec passion !
On essaie toujours d’être bienveillants. Parfois ça ne voit pas, les parents ne s’en rendent pas compte, mais c’est vrai !
Après, je n’ai pas rencontré réellement beaucoup de problèmes avec des parents jusqu’à maintenant. Ça se désamorce assez rapidement. La première approche, tu sens que le parent pense que tu vas le rembarrer ; ou que tu as mis un zéro parce que tu avais envie de mettre un zéro à cet élève ce jour-là alors que non. Quand on discute deux secondes, ça va mieux.
Parent : “Pourquoi vous avez mis zéro à mon fils ?”
Prof : “Il n’a pas rendu le devoir.”
Parent : “Ah bon c’est vrai Olivier tu ne l’as pas rendu?”
Élève : “Non.”
Parent : “Ah.”
Merci Maureen d’avoir répondu à nos questions ! Et nous te souhaitons bon courage pour cette fin d’année scolaire ! À dans deux semaines pour un nouveau témoignage !
Dans un grand chaudron, mélangez une bonne poignée d’influence Disney, une pincée d’humour noir, plus de 500 kilos de livres, un soupçon d’arc-en-ciel, les lunettes d’Harry Potter, vos codes Netflix et un panier de curiosité jamais satisfaite, et j’apparaîtrais comme par magie!