Être professeure d’EPS dans un collège
Personnellement, l’EPS n’était vraiment pas ma matière préférée pendant ma scolarité. J’en ai fait bavé à plus d’un prof ! Mais je m’égare.
Aujourd’hui, nous recevons Romane S. sur Jaïne&Co ! Professeure d’EPS au collège depuis deux ans, elle nous raconte son parcours et ses passions : le sport et l’éducation !
Propos recueillis le 24 mars 2020
Quel est ton poste exact ?
Je suis enseignante certifiée d’Education Physique et Sportive (EPS) dans un collège en poste fixe. J’ai toutes les classes de la 6ème à 3ème. En plus de ça, j’ai une option futsal, donc quelques heures en plus dans la semaine avec l’équipe féminine de foot du collège.
Quelles ont été tes études ?
J’ai commencé par un Bac Scientifique, ensuite je suis allée en Licence STAPS (Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives). Dans la faculté où j’étais, la première année était générale, sans aucune spécialisation. Pour la deuxième année, je me suis spécialisée en Entraînement Sportif (L2ES). Et en troisième année, j’ai changé pour passer en option Éducation et Motricité (L3EM), la voie pour être professeur.
A la suite de cette licence, j’ai fait un Master MEEF (Métiers de l’Enseignement, de l’Éducation et de la Formation). Pendant la première année, on passe les concours et la deuxième année, on fait un stage en alternance. J’étais donc à moitié en formation à la fac, et à moitié en poste au collège.
Quand as-tu commencé à travailler ?
En deuxième année de Master lors de la rentrée 2017. J’avais 10h par semaine dans un collège. Et puis l’année dernière, j’étais remplaçante dans le 93. C’était ma première année de titularisation.
Qu’est ce qui t’a donné envie de devenir professeure d’EPS ?
Du plus loin que je me souvienne, je voulais travailler dans le sport. Il y a eu plusieurs choses avant que je m’oriente vers le professorat, comme sportive de haut niveau, coach, etc. De 6 ans à 23 ans j’ai fait du judo donc j’étais à fond dans le sport.
Tout le long de ma scolarité, j’ai eu des profs d’EPS que j’ai adoré, qui m’ont fait aimer la discipline. Du coup, c’était un métier qui me trottait dans la tête depuis un moment. Partager la passion que j’ai pour le sport avec les enfants, c’est un truc qui m’a poussé à devenir prof.
Je pense aussi que comme ma mère a toujours gardé des enfants, j’ai toujours été amenée à en avoir autour de moi et m’occuper d’eux. Être un peu cette figure de grande sœur qui aide les plus petits, ça m’a motivé à me diriger vers ce métier là aussi.
Pour toi quel est le rôle du professeur d’EPS ?
Le rôle ou les rôles ? *rires* Il y en a plusieurs !
Le rôle “principal” c’est d’éduquer les élèves, de les faire grandir, de les rendre autonomes, de leur apprendre des choses qui leur serviront dans la société donc en dehors de l’école. On a aussi le devoir de garantir leur sécurité. On nous confie ces enfants. Notre rôle c’est que lorsqu’ils sortent de l’école, ils ne se soient pas blessés, qu’ils soient bien.
Donc un rôle d’éducation, d’apprentissage, et un rôle de garant de leur sécurité.
As-tu un but commun pour toutes tes classes ?
Oui, j’ai quelques buts en commun, comme par exemple les rendre plus autonomes qu’ils ne l’étaient en début d’année, et de leur donner le goût de l’effort.
Le goût de l’effort est très important au collège car les élèves, à partir de la 5ème, commencent à être un peu feignants, à vouloir traîner avec les copains et les copines, à préférer rester devant des écrans… À en faire le moins possible ! Du coup, mon objectif, surtout pour mes classes de 4ème et 3ème, c’est de leur donner le goût de l’effort et l’envie de se bouger un peu plus.
Évidemment, je cherche à ce que tous mes élèves prennent du plaisir en EPS. Ils viennent à l’école pour apprendre et se faire plaisir, donc c’est vraiment un de mes objectifs pour tous mes élèves, quelque soit leur classe.
Pour toi quelle est la qualité requise pour être professeur d’EPS dans un collège ?
Être patient et passionné.
Pendant le confinement, comment fais-tu classe à tes élèves ?
J’ai d’abord réfléchi à comment leur donner du contenu par internet. J’ai travaillé avec un de mes amis, qui est lui aussi prof d’EPS. On a créé des petits programmes sportifs à la maison et on a fait un beau document qui leur a été transmis la première semaine, avec des choix à faire. On a rendu le truc un peu ludique en donnant des noms de super-héros aux différents programmes. En se basant sur les recommandations académiques, on leur a donné l’objectif de faire trois heures d’activité physique dans la semaine, donc ils choisissent dans le document quel programme ils souhaitent faire, quel jour, les jours des repos.
Je leur ai aussi créé un petit carnet d’entraînement où ils doivent noter quel programme ils ont choisi pour quel jour, et ce qu’ils ont fait, combien de répétitions, si c’était difficile, etc.
Je leur crée aussi des petits défis par semaine, pour essayer de les engager dans une activité autre que de rester assis toute la journée.
Cependant, je ne les oblige à rien. Car je sais que peu d’entre eux vont le faire. La semaine dernière, sur mes 150 élèves, j’ai reçu une dizaine de retours, donc vraiment pas grand chose. Je fais un travail pendant cette période de confinement, mais je ne peux pas les obliger, je ne leur demande pas de vidéos. De plus, je ne peux pas garantir leur sécurité -même si tout est expliqué dans le document envoyé.
Le but est quand même d’essayer de faire en sorte qu’ils ne restent pas assis toute la durée du confinement.
Qu’est ce que tu préfères dans ton métier ?
La relation prof-élève. Tu as des enfants avec qui la relation est compliquée, il va falloir trouver des stratégies pour assainir la relation, faire en sorte que l’élève prenne du plaisir dans ton cours. Puis tu as des enfants avec qui ça va être très facile, qui vont venir vers toi comme si tu étais un adjoint des parents, et donc ils vont te confier des choses et rire avec toi. Ça c’est l’aspect qui me plaît le plus.
Les enfants passent beaucoup de temps à l’école, ça devient limite une de leurs maisons. Donc la relation prof-élève est à chérir car elle est privilégiée.
Qu’est ce que tu n’aimes pas dans ton métier ?
*rires* Bonne question !
Le manque de moyens qu’on a pour vraiment mettre en place ce qu’on a en tête. Par exemple, dans mon collège, on est six profs d’EPS, on a chacun entre six et sept classes, et on doit se répartir trois installations. Ce qui est très compliqué car résultat on se retrouve à faire cours à deux classes en même temps. Quand il pleut, tu trouves difficilement des moyens de te mettre à l’abri et de faire cours. Surtout quand on a des classes à fort effectif ! C’est vraiment une des choses qui m’embête le plus.
Et le manque de reconnaissance de la part du reste de la société. Le prof est vu comme le feignant qui n’a pas beaucoup d’heures, qui a plein de vacances… Mais au final, même si on a peu d’heures avec les enfants, on passe beaucoup de temps en dehors de ces heures-là à travailler les cours, à faire des projets, à créer des choses en équipe, etc. Tout ça pour faire des choses en plus de nos cours, dans le but de donner le meilleur aux élèves.
Qu’est ce qui t’énerve dans l’Éducation Nationale aujourd’hui ?
Oulala ! Alors tu as combien de temps ?! Un grand débat ! Je vais sélectionner.
Je vais commencer par le manque de reconnaissance. C’est du mépris total. Il n’y a pas longtemps, avec cette histoire de réforme des retraites, on a commencé à parler de changement de missions pour le prof, sans trop prendre en compte notre avis. Maintenant le discours est que les profs sont importants pour la Nation, blablabla. Donc dans un premier temps ils ne prennent pas en compte notre avis, et deux semaines après, dès qu’ils ont besoin de nous, ils nous brossent dans le sens du poil.
Et puis, pas forcément en lien avec le métier même, les mutations des enseignants.
Cela se passe de la manière suivante. Si tu as envie de muter, tu vas sur une plateforme où chaque année, tu fais des vœux de mutation. Cette demande se fait avec un système de points qui te sont distribués en fonction de ton âge, de ta situation personnelle et de ta situation professionnelle.
Donc, moi par exemple, j’étais étudiante à l’Académie de Strasbourg. Une fois mon Master terminé, j’ai dû faire mes vœux pour être affectée dans une académie. Évidemment, j’aurais aimé rester dans l’Académie de Strasbourg, près de ma famille et de mes amis. Mais j’étais jeune, célibataire, sans enfant, avec aucune ancienneté. Donc, comme beaucoup d’autres jeunes professeurs, j’ai été envoyée dans les académies où il y a de la place, c’est-à-dire les académies où les gens essayent de partir. C’est difficile d’obtenir sa mutation ! Ça va me prendre quelques années pour récupérer suffisamment de points pour retourner à Strasbourg. Et c’est pire pour les gens qui veulent aller dans le Sud !
Je trouve que c’est très mal géré et injuste, car je ne pense pas qu’être jeune et sans expérience est le mieux pour être envoyé dans les zones compliquées, loin de nos proches qui plus est.
Durant l’année scolaire, quelle est l’activité que tu préfères faire avec tes élèves ?
Nous avons fait un voyage scolaire au ski d’une semaine – début février – avec quarante-huit élèves de 5ème. Et franchement, c’était une semaine super. Tu vois les élèves dans un autre contexte que celui de l’école et tu n’as plus forcément cette relation prof-élève dans le sens où tu n’es pas là à leur donner seulement des cours et à remettre de l’ordre dans la classe. Les élèves sont contents d’être là, tu n’as pas trop besoin de les motiver pour faire une activité. Nous étions les six professeurs d’EPS, et nous nous entendons tous très bien, donc il y avait une bonne ambiance.
Puis les enfants découvrent un endroit qu’ils ne connaissent pas forcément. Sur les quarante-huit élèves, les trois quarts n’étaient jamais allés à la montagne ! Voir leurs réactions, c’était super !
Un petit mot pour les parents ou futurs parents ?
Suivre la scolarité de son enfant. Le professeur n’est pas là pour remplacer entièrement leur éducation, mais il est là pour aider. Il ne faut pas hésiter à communiquer avec l’enseignant aussi afin de trouver des solutions avec lui en cas de problème.
Car ce qui pose souci en général pour les élèves en difficulté, ce n’est pas forcément l’enseignant qui fait mal son boulot, mais c’est le fait qu’il n’y ait pas de contact entre les parents et le prof. S’il n’y a pas de suivi à la maison, l’enfant est perdu. Il a besoin d’un contexte stable, de savoir les limites, qu’est ce qu’il peut ou ne peut pas faire, qu’est ce qu’il doit ou ne doit pas faire.
Donc suivre la scolarité et être présent pour son enfant. Nous avons de plus en plus d’élèves par classe, et c’est difficile de gérer tous les problèmes de chacun. Si en plus de cela on n’a pas l’aide des parents derrière, tout devient très compliqué.
Par exemple, j’ai des problèmes avec certains de mes élèves, et j’ai beau essayer de contacter les parents par tous les moyens possibles, il n’y a aucun suivi à la maison, donc les enfants profitent et font n’importe quoi. Ça gâche leur scolarité et c’est dommage parce que tout ce qu’ils recherchent c’est de l’attention.
Aidez-vous des profs, ils sont là pour l’éducation de vos enfants aussi.
Merci à Romane d’avoir répondu à mes questions ! Je me dis que tous mes profs d’EPS ont dû me détester pendant toute ma scolarité #AdoFlemmarde ! À bientôt pour le prochain témoignage !
Si vous êtes professeur/e au collège ou au lycée et que vous souhaitez témoigner, n’hésitez pas à nous contacter !
Dans un grand chaudron, mélangez une bonne poignée d’influence Disney, une pincée d’humour noir, plus de 500 kilos de livres, un soupçon d’arc-en-ciel, les lunettes d’Harry Potter, vos codes Netflix et un panier de curiosité jamais satisfaite, et j’apparaîtrais comme par magie!